Waouh !
Si j’osais, je soulignerais de manière péremptoire, à l’image des pratiques de l’émission, l’incongruité de prétendre célébrer la femme pour sa journée dédiée et d’en profiter pour légitimer le droit de la violer ; juste innommable.
Si j’osais, je rappellerais encore les fortes indignations sur ce même plateau à la suite de la sortie du Président français Macron sur les problèmes supposés d’ordre civilisationnel de l’Afrique ; sortie qui avait fait tonner cette voix autorisée qu’est celle du Professeur Songué, à la fois promoteur de cette civilisation et aujourd’hui du viol de la femme.
Si j’osais, je soulignerais plus encore le dévoiement de ce thème sur ce plateau qui s’est exonéré toute rigueur pour des interventions spectacles comme d’habitude, consacrées à la meilleure façon de célébrer non moins la femme par le truchement de fleurs à lui offrir ou autres attentions à lui témoigner, en particulier dans cette journée, que de rappeler son combat qui fait tellement sens aux yeux du reste du monde qu’il faille décréter une journée spéciale pour encore plus le rappeler.
Des combats essentiels allant du droit de vote, heureusement acquis, dans la plupart des pays, au droit de conduire toute seule une voiture, remporté depuis peu en Arabie Saoudite.
Tous ces combats pour l’égalité de traitement d’avec les hommes, pour la prévention des mariages précoces et forcés encore trop admis dans nos sociétés, pour la lutte contre les mutilations sexuelles et j’en passe.

Tous ces rappels des combats de droits à conquérir n’enlevant en rien par ailleurs la joliesse de célébrer la femme.
Et comme je veux oser, je veux dire ici que votre dérapage, Professeur Songué, et vos justifications qui ont suivi (confuses et insultantes pour notre intelligence) étaient écrits tant le «Songué-beat» sur ce plateau de «Jakaarlo bi» y est quelquefois déroutant.
Un «Songué beat» sans doute généré par un toujours rapport d’élève à professeur entre vous et l’animateur de l’émission, Khalifa Diakhaté, dont on comprend qu’il a été et continue d’être votre élève, avec une déférence qui a fini par décalquer en partie sur les autres participants de ce plateau.
Cette conjugaison de facteurs, la flagornerie qui ne manque d’accompagner une grande exposition médiatique et votre absence de hauteur perçue dans vos sorties ne pouvaient en mon sens que finir par révéler au grand jour cette sortie de trop.
Oui M. Songué, aucune circonstance, je dis bien aucune, fusse-t-elle être les formes généreuses, provoquantes et négligemment offertes d’une nymphe, ne justifiera jamais qu’on s’approprie le corps d’une femme sans son consentement.
Ce qui détonne avec vous, professeur de philosophie, pour qui (la philosophie) en principe, le doute est l’essence, c’est votre propension à la certitude ; vous les assenez trop souvent très péremptoirement, et plus de discussion.
Des certitudes que vous drapez dans le manteau de l’éloquence pour mieux étouffer toute contradiction, et en cela votre deuxième sortie supposée éclairante en est illustrante.
A l’écoute de votre sortie d’explications, je n’ai pas cru en mes oreilles. Vous demandez à être jugé et compris à l’aune de ce que vous dites être, et non pas de vos actes de sortie. Vous vous exonérez en convoquant le concours de votre entourage qui vous connaît et dont le témoignage est censé atténuer l’image que vous sonnez par votre sortie. C’est plus que discutable, intellectuellement affligeant et insupportable de la part d’un professeur chargé de transmettre ce savoir simple et essentiel qui est qu’on ne juge pas les hommes, mais bien leurs actes. Sinon n’importe quelle nymphe bien aguichée, n’importe quel étudiant bien avisé, peut prétendre à une bonne note même en présentant une copie de maigre qualité.
Sans doute avez-vous oublié cette maxime prêtée à Kant qui dit qu’on mesure l’intelligence d’un homme à la quantité d’incertitude qu’il peut supporter.
Professeur Songué, sans doute l’aviez-vous simplement oublié, mais les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont. Nous devons former des hypothèses pour interpréter et nous approprier le réel, mais ces hypothèses, ces idées sont une simplification de la réalité. Un intellect médiocre ne cherchera pas à affiner son interprétation du réel, tandis qu’un intellect supérieur le cherchera.
Une hypothèse possible est que votre promotion du viol est de mauvais aloi et qu’il faut s’en rendre compte et s’en dissocier tout en cherchant à comprendre comment votre esprit supérieur en est arrivé à l’adouber, le temps d’un débat pour mieux nous renseigner et nous enseigner. Sans fioriture aucune.
Vous savez faire montre d’une dextérité certaine, d’une éloquence rare et d’un talent incontestable dans la prise de parole.
Et toutes ces qualités précitées sont sans doute ce qui explique l’adhésion au sophisme dont vous êtes par ailleurs coutumier, sur la plupart des sujets que vous maîtrisez quelque fois peu, une faconde étourdissante et une absence de contradicteur alerte ont servi à vous asseoir une légende.
Au fond, ce dérapage innommable était pendant depuis toujours tant la dynamique d’un grand palace télévisuel où la finalité perceptible pour chaque participant étant moins de produire de la pensée que de ne pas perdre la face.
Je veux simplement regretter ici que les structurations lexicalement insuffisantes qui véhiculent le contradictoire d’un Bouba Ndour (bien formé par l’école de la vie) l’en rendent souvent moins pertinentes aux yeux de tous dans cette arène spectacle.
Cette émission-arène dont les promoteurs, dont il fait par ailleurs partie, ne ratent une occasion de se gargariser sans doute avec raison de son impact.
Cet espace réputé dédié à la vulgarisation des problèmes de la vie courante des Sénégalais pour les rendre visibles à des fins d’y remédier avec en filigrane une certaine pression qui traduit par la même occasion un espace d’influence.
Le procédé est éprouvé et connu, une publicité possible des lustres comme du caniveau avec l’identification des protagonistes qui les motive de se pavaner ou se tapisser suivant que ce soit le lustre ou le caniveau qui leur est servi. Soit pour que l’onction soit l’opprobre populaire.
Rendre visible des questionnements et autres interpellations sur du factuel est à saluer et il interpelle et intéresse les Sénégalais, tant il y a pléthore quand il s’agit de lister les problèmes du quotidien du Sénégalais lambda qui méritent attention.
On y traite du factuel du quotidien, mais pas qu’on s’y essaye aussi à la production de pensées ou quelque chose qui lui ressemble et c’est souvent là que le bât blesse.
Confusion, peu de maîtrise des sujets, suffisance et autres travers bien sénégalais y sont le lot. Des problèmes complexes souvent traités de manière très simpliste, où le savoir n’est pas le déterminant, mais bien la joute. Cette émission sur l’eau avec le rappeur Thiat en est une triste illustration.
Le fameux  «nii la koo guiccé ou khaalaté», qui l’oppose trop souvent au «nii laa koo djaangaté».
Oui, nous sommes ce Peuple déterminé et entêté, spécialiste en tout et expert de tout, qui avons fini d’asseoir des opinions et des savoirs sur le même banc. Même si ce savoir est quelque fois acquis au prix de nombreuses années de sacrifice et de formation.
Parce qu’une opinion est absolue et est justificative de tout, du pire (viol, meurtre) comme du meilleur (introspection, amendement), et jusqu’à ce qu’elle évolue, elle est la vérité… à l’échelle de son porteur. Et sa place est au «grand palace».
Elle est la chose au monde la plus couramment partagée, la plus banale et celle qui a le moins de valeur, c’est pourquoi sa profession dans un débat publique rigoureux est peu souhaitable.
A l’opinion, on oppose le savoir ou à défaut une analyse, construite sur de l’argumentaire, qui convoque des éléments de savoir, et qui exige un plan de généralité qui lui donne corps.
La suffisance générée par une grande exposition et son corolaire la flagornerie et autre attention qui accompagne cette exposition ont fini de générer une absence de prise de hauteur.
Pourquoi faudrait-il que tous les jalons que nous posions ne nous conduisent que vers cette impasse mortifère sans que jamais une once de lumière ou/et de lucidité ne nous fasse corriger ces itinéraires suicidaires ?
Serions-nous frappés de malédiction ? Cette question, je me la pose depuis toujours, encore plus depuis cette émission au vue de tous les maux et affres que nous traînons avec ténacité dans nos sociétés africaines, des sociétés à l’image de mon Sénégal.
Abou NJIE (NDIAYE)