Justice – Sept ans après la condamnation de Habré : Les victimes courent toujours après leurs indemnisations

Sept organisations tchadiennes et internationales demandent à l’Union africaine et au gouvernement du Tchad d’accorder des réparations aux victimes de Habré. Dans un document conjoint, elles font savoir que sept ans après la condamnation de l’ancien chef d’Etat du Tchad par la Justice, ses victimes attendent toujours leurs indemnisations.Par Dieynaba KANE –
Les victimes de l’ancien dictateur tchadien, Hissein Habré, attendent toujours de recevoir les indemnisations ordonnées par la Justice, sept ans après sa condamnation au Sénégal en 2016. Dans un document conjoint, sept organisations tchadiennes et internationales demandent à l’Union africaine et au gouvernement du Tchad d’accorder des réparations. Amnesty International, l’Association des victimes des crimes du régime de Hissein Habré, l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch, la Commission internationale de juristes, Redress et l’Association Rose Lokissim rappellent que «le 30 mai 2016, Habré a été condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, par un Tribunal sénégalais soutenu par l’Union africaine». Le Tribunal avait aussi «ordonné le paiement de millions de dollars d’indemnisation au profit des victimes». Selon ces organisations, «l’Union africaine et le gouvernement du Tchad devraient respecter leurs obligations vis-à-vis des victimes découlant de ces décisions de Justice».
Jacqueline Moudeina, la principale avocate des victimes citée dans le document, fait remarquer que «les victimes de Habré sont des héros qui se sont battus sans relâche pendant 25 ans pour traduire en Justice leur dictateur et ses sbires, et se sont vu accorder des millions de dollars d’indemnisation, mais à ce jour, elles n’ont pas reçu un seul centime de ces réparations». L’avocate ajoute que «deux des victimes les plus actives viennent de décéder et nombre d’entre elles ont la santé très fragile et ont désespérément besoin de ces réparations». D’ailleurs, dans le document, il est précisé que «le 15 mai 2023, Ginette Ngarbaye, qui a été torturée et violée, et qui a accouché dans une prison secrète de Habré, est décédée des suites d’une longue maladie. Elle était secrétaire de l’Association des victimes de crimes et répressions du régime de Hissène Habré et l’un des témoins-clés au procès de Habré». Le même jour, informent les organisations, «Fatime Kagone Tchangdoum dont le mari avait été assassiné par les forces de sécurité de Habré en 1983 et qui était devenue une militante de l’Avcrhh, est également décédée». Les auteurs du document indiquent également que «selon le groupe de victimes, environ 400 victimes directes et indirectes sont décédées depuis le verdict de 2016».
Par ailleurs, les organisations ont fustigé le fait que le fonds fiduciaire qui devait s’occuper des indemnisations ne soit toujours pas opérationnel. Revenant sur les péripéties ayant conduit à la mise en place de ce fonds, elles expliquent : «Lorsqu’une Chambre d’appel a confirmé la condamnation de Habré en avril 2017 et octroyé 82 milliards de francs Cfa (environ 130 millions de dollars) à 7396 victimes identifiées, elle a mandaté un fonds fiduciaire de l’Union africaine pour lever de l’argent en recherchant les avoirs de Habré et en sollicitant des contributions volontaires.» Aujourd’hui, constatent-elles, «bien que l’Union africaine ait alloué 5 millions de dollars au fonds fiduciaire, ce dernier n’est toujours pas opérationnel». Les organisations font aussi savoir dans leur document que «le 19 septembre 2022, la Présidence tchadienne a écrit au fonds fiduciaire pour annoncer que le gouvernement lui avait alloué 10 milliards de F Cfa (16, 5 millions de dollars)». Seulement, selon l’Ua, «cet argent n’a toutefois pas été reçu».
Pour rappel, l’ex-Président tchadien, Hissein Habré, condamné à perpétuité pour crimes contre l’humanité, est décédé du Covid-19 en août 2021. Il repose à Yoff.
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