Une fausse analogie apparait, lorsque les éléments utilisés pour la comparaison de deux objets ou de deux phénomènes supposés identiques, sont différents dans leur nature, leur importance et leur portée. Le désenclavement des régions intérieures du Sénégal reste une volonté politique forte du gouvernement du Sénégal dont l’exécution s’étend sur des décennies et concerne plusieurs secteurs pouvant engloutir des dizaines de milliers de milliards de F Cfa.
Cette volonté politique de l’Etat ne peut pas être comparée ou confondue au projet ponctuel du Ter réalisable à court terme, lequel projet entre dans la résolution de l’équation de la mobilité urbaine entre Dakar, l’aéroport international Blaise Diagne, le pôle urbain de Diamniadio et environs jusqu’à Thiès et Mbour au moyen du transport multimodal.
Si Mme Louise Cord préfère le renouvellement du chemin de fer Dakar Kidira qui demande des investissements beaucoup plus colossaux en lieu et place du Ter, la Banque mondiale (Bm) aurait dû financer ce vieux projet de renouvellement des infrastructures ferroviaires sur le Dakar-Bamako pouvant engloutir plus de 2 000 milliards de F Cfa depuis très longtemps déjà, pourquoi, la Bm ne l’a pas fait ? Nous nous rappelons à ce titre, que l’institution financière internationale, en son temps, avait refusé d’appuyer et de participer au financement de l’autoroute à péage en fustigeant le projet, comme elle le fait aujourd’hui avec le Ter.
Cependant, en attendant, il faut parer au plus pressé pour satisfaire la demande sociale pressante des populations sur la mobilité urbaine dans la région de Dakar intra muros et ses connexions extérieures, au risque de scier la branche sur laquelle les pouvoirs sont assis. Il se trouve également que l’investissement du Ter pour près de 600 milliards de F Cfa réalisable à court terme, n’empêche pas le renouvellement du Dakar-Kidira sur le long terme : ces deux projets ne peuvent pas être substituables pour des raisons de volume d’investissement, de temporalité ou d’opportunité, si l’on sait qu’ils ont, tous deux, une grande rentabilité économique. Si les gouttes de pétrole et de gaz avaient commencé à jaillir, nous aurions pu financer simultanément ces deux projets complémentaires, sans endettement.
La représentante de la Bm au Sénégal semble être atteinte du syndrome de Galilée ou du dogme de la longue période propre à certains experts de la Bm qui nous ont habitués à des erreurs d’appréciation relevant de la non- intégration de la dimension culturelle du développement et de la non-prise- en-compte des questions urgentes. Or, les questions urbaines pressantes se posent avec acuité à nos Etats, auxquelles il est impératif d’apporter des solutions urgentes. En effet, la réalisation du Ter répond aujourd’hui à la satisfaction d’un besoin pressant de fluidité du transport pour réduire les coûts de transport et améliorer la compétitivité dans la région de Dakar où sont concentrées l’essentiel des activités économiques et plus de la moitié de la population active du Sénégal, dans un espace exigu de moins de 1% du territoire national. Point n’est besoin d’affirmer que les populations attendent des solutions urgentes pouvant poser des problèmes de gouvernance.
Nous avions connu dans ce pays les émeutes de l’électricité et de la soif qui ont eu raison, entre autres, du régime précédent, nous pouvons bien connaitre des émeutes de l’immobilisme dans la région de Dakar et environs avec les embouteillages monstres en plus de la pollution atmosphérique, si rien n’est fait pour le développement des moyens de transports collectifs, seuls capables aujourd’hui de résoudre la crise de la mobilité avec l’inflation de voitures et de camions ; Si à terme, l’intensité du trafic ferroviaire arrive à supprimer les embouteillages monstres dans la région de Dakar et environs, il y aurait pour l’économie sénégalaise des gains implicites de plus de 100 milliards de F Cfa par an.
De plus, cet investissement permettra de renouveler non seulement les rails qui datent du siècle dernier avec un écartement standard et un fonctionnement bi-mode entre Dakar jusqu’à Thiès et des extensions probables sur Mbour ou Diourbel à l’image de l’autoroute à péage, mais permettra aussi la réhabilitation du riche patrimoine historique des gares ferroviaires et des nombreux ponts et chaussées sur le tracé.
Personne ne nie l’importance de combler le déficit d’infrastructures de transport pour doper la productivité dans les zones intérieures du Sénégal, car la réduction des écarts de développement entre Dakar et le reste du Sénégal est la clef du succès économique dans nos pays. ; Sur ce plan, il faudrait que la Bm reconnaisse que des efforts considérables sont entrepris par le gouvernement pour le désenclavement intérieur et extérieur du Sénégal avec l’appui de banques de développement comme la Bad, la Boad, le Mca , les fonds arabes ou d’autres partenaires techniques au développement. Nous pouvons, parmi les projets structurants pour le désenclavement intérieur et extérieur du Sénégal, en citer :
– la réalisation par le Mca de la route du Sud reliant Kolda à Ziguinchor ainsi que l’aménagement de pistes de production, de ponts et de zones d’aménagement agricole tant au Sud qu’au niveau de la vallée du fleuve Sénégal pour des montants de financement avoisinant 1 000 milliards de F Cfa avec les projets connexes,
– la réalisation de la route Kaolack – Fatick, Kaolack – Keur Ayib et Kaolack – Poste de Karang,
– la construction en cours du pont sur la Gambie à Frafégny, sur le corridor Dakar-Lagos,
– la réalisation de la route Tambacounda – Vélingara – Pakour sur le corridor Dakar – Conakry
– la réalisation de la route Linguère – Matam
– la construction en cours du pont sur le fleuve Sénégal à Rosso sur le corridor Dakar – Nouakchott
– la construction en cours de la boucle du Boudié reliant Marssassoum à Sédhiou et du pont de Marssassoum sur le Soungrougou, etc.
Nous aurions souhaité que l’institution de Breton Woods, qui intervient sur le long terme, intègre dans ses analyses néo classiques, souvent en porte à faux avec les réalités , les questions urgentes et locales et la dimension culturelle du développement dont la non-prise-en-compte avait amené l’ancien président de l’institution financière internationale James wolfenson, à reconnaître l’échec de l’Aide au développement qui avait abouti à l’annulation de la dette publique du Sénégal en 2004.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque
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