Je voudrais, de prime abord, préciser que je ne fais nullement l’apologie de la haine ou encore de la xénophobie envers qui que ce soit, car convaincu de la nécessité de l’intégration de nos peuples et surtout du plaisir du vivre-ensemble.
Je veux juste par ces mots, attirer l’attention sur la précarisation organisée de l’emploi au Sénégal au profit de jeunes travailleurs étrangers corvéables et malléables à souhait, sans danger aucun pour leurs employeurs.
Je ne sais pas si vous avez fait la même remarque, mais la main d’œuvre guinéenne s’installe massivement au Sénégal et est visible dans quasiment tous les secteurs d’activité. Du commerce au transport, en passant par l’agro-alimentaire, elle est partout. Connus pour leur dévouement au travail quelle que soit la précarité, nos voisins guinéens ont fini de prendre leur place sur le marché de l’emploi au Sénégal.
Cet état de fait devrait nous interpeller nous tous, surtout dans ce contexte de «fuite» de nos jeunes vers les pays européens et américains sans que les autorités ne puissent y mettre un terme. La détermination des jeunes à rallier l’autre partie du monde n’est pas seulement liée à l’absence de perspective d’emploi ou encore à la rareté du poisson dans nos eaux, mais aussi et sans aucun doute, à la précarité de l’emploi proposé.
C’est de notoriété publique que les employeurs dans les secteurs évoqués plus haut, préfèrent les jeunes guinéens, qui ne refusent même pas un salaire mensuel de 35 mille francs Cfa. Les employeurs en profitent à satiété d’autant plus qu’ils ne leur assurent aucune prise en charge sociale. C’est une main d’œuvre bon marché sans risque de réclamation de meilleures conditions de travail et sans coûts supplémentaires à devoir supporter.
La main d’œuvre sénégalaise étant plus chère et exigeante, et surtout présentant une menace d’instabilité et de rentabilité si les conditions de travail ne suivent pas, celle guinéenne est la bienvenue.
Cette précarisation organisée de l’emploi est plus visible dans les Grandes surfaces et dans l’agro-alimentaire où c’est devenu rare de voir de jeunes Sénégalais. Ceux-ci voient de plus en plus, leur contrat non renouvelé pour des motifs tirés par les cheveux. La réalité est que le salaire du Sénégalais, aussi modique soit-il, peut «payer» deux, voire trois autres employés étrangers. Pour un employeur quel qu’il soit, le choix est vite fait ! Surtout qu’également, il peut se payer le luxe de ne verser aucune cotisation sociale et peut être sûr de ne voir aucune velléité de contestation dans l’entreprise.
L’administration du travail étant ce qu’elle est dans ce pays avec ses limites qui amusent même certains employeurs, les dérives du patronat s’enchaînent et ne sont pas près de s’estomper. Au contraire, les choses vont aller de mal en pis sans qu’aucune solution ne soit proposée par l’autorité. Pendant ce temps, nos jeunes, abandonnés à leur sort, s’engouffrent à tout rompre, dans des embarcations de fortune en quête de lendemains meilleurs dans des pays où le droit du travailleur est non négociable.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si tout le monde veut partir !
Au Sénégal, le sentiment le mieux partagé est qu’il faut travailler à l’étranger pour espérer disposer d’un toit. L’autre sentiment est qu’à l’exception des fonctionnaires, surtout des régies financières et quelques rares privilégiés qui fricotent avec les régimes en place, aucun autre travailleur ne peut espérer avoir un bien dans ce pays, surtout dans ce contexte où la cherté de la vie prend des proportions démesurées, inquiétantes et inexplicables. Ce n’est vraiment pas un hasard si tout le monde veut partir de ce pays.
Pourtant, le régime du Président Sall a fait de l’emploi un des marqueurs de sa louable politique sociale, pour créer les conditions de l’épanouissement de la jeunesse dans ce pays. Mais ses efforts dans ce sens ont été fragilisés par de vieilles habitudes de cannibalisation de l’emploi au préjudice de millions de jeunes demandeurs de travail sur le marché. Et cette cannibalisation de l’emploi n’épargne même pas certaines agences parapubliques de l’Etat, à l’image de l’Agence pour la sécurité de proximité qui emploie plusieurs milliers de jeunes mères et pères de famille sans aucune perspective de carrière. Cette situation désastreuse et inédite pousse même certains Asp à quitter leur emploi pour tenter des aventures incertaines et périlleuses ailleurs. Comme quoi, même travailler dans une agence parapublique de l’Etat, pendant plus de dix ans, ne représente pas de garantie de sécurité de son emploi.
J’invite le chef de l’Etat à engager son gouvernement à travailler dans le sens de sécuriser l’emploi au Sénégal à travers des réformes fortes. C’est l’une des conditions sine qua non pour que les jeunes puissent espérer vivre décemment de leur travail et envisager de réaliser quelque chose et de rester au pays. Sinon, toute autre politique de l’emploi sans des mesures de sécurité optimales est vouée à l’échec à cause de la cupidité déconcertante d’employeurs sans foi ni loi et d’une administration du travail fragile et dépourvue de tout moyen de coercition.
Aly FALL
Journaliste / Communicant