La Ville et le Plateau se déchirent pour le marché : Sandaga, la maire des batailles

La démolition du bâtiment de Sandaga, patrimoine classé, enrage madame le maire de Dakar qui a décidé d’enclencher une procédure judiciaire pour conserver les vestiges de la capitale.Par Justin GOMIS
– Sur les ruines de Sandaga… La bataille du marché Sandaga sera tranchée par la justice. Le maire de la Ville, Soham El Wardini, a décidé de porter cette affaire devant les juridictions du pays. «Je suis pour qu’on conserve la mémoire de Dakar. Notre identité, la vieille ville de Dakar, nous devons la conserver. C’est ça qui fait mal dans cette démolition. Et comment prendre cette décision sans nous consulter ? Je tenais à informer l’opinion. Maintenant, nos avocats sont sur la procédure. Nous allons défendre nos biens jusqu’au moment où on va nous le rendre ou alors on décidera autre chose et les gens le sauront», tempête la très modérée maire de la ville, qui a tenu hier un Conseil municipal sur la démolition du marché Sandaga, entreprise par Alioune Ndoye, maire de Plateau.
L’édile de la capitale a même reçu l’onction du Conseil municipal de Dakar. «Après concertation, celui-ci a donné à l’unanimité à Mme le maire la force d’entreprendre la procédure judiciaire», révèle l’adjoint Mbacké Seck qui, pourtant, avait suggéré une concertation entre les parties en vue de trouver une solution. Malheureusement, cette proposition n’avait pas rencontré l’assentiment de ses collègues, l’obligeant ainsi à entrer dans les rangs.
En tout cas, la position du Conseil municipal de Dakar est claire dans cette affaire. «Le marché Sandaga est un bien de la ville de Dakar, précise Soham El Wardini. Et depuis sa construction en 1935, il n’est jamais sorti de la responsabilité de la ville de Dakar.» Elle invoque les textes et les dates pour étayer son argumentaire. «Après l’incendie survenu le 25 octobre 2013, le préfet de Dakar avait pris un arrêté en date du 25 octobre 2013 pour annoncer la fermeture du bâtiment en vue de sa réhabilitation. Mais avec l’entrée en vigueur de l’Acte 3 de la décentralisation, suite aux Locales de 2014, conformément au décret de 2014 du 23 juillet fixant les conditions de dévolution du patrimoine et du redéploiement du personnel des régions, et l’arrêté 398 instituant la commission ad hoc, l’arrêté 495 du 24 octobre 2012 portant dévolution de l’ex ville de Dakar, surclasse Sandaga parmi les marchés transférés à la commune du Plateau», explique Mme Wardini. Une façon de balayer les affirmations de Alioune Ndoye, qui soutient que Sandage fait partie du patrimoine de Plateau. «Le marché de Sandaga n’avait pas été transféré à la commune de Plateau», insiste-t-elle. Elle s’était entourée de certaines garanties. Après l’annonce du ministre de l’Urbanisme de la démolition du patrimoine classé de Sandaga, le maire de Dakar avait «adressé une correspondance au chef de l’Etat le 30 juin pour l’informer du projet de réhabilitation de ce patrimoine classé et l’engagement par la ville de Dakar», dit-elle. «Mais en réponse, explique-t-elle, le directeur de Cabinet du chef de l’Etat m’a adressé une correspondance, m’indiquant avoir pris acte de la situation avec promesse d’audience avec le Président Macky Sall.»
A l’en croire, les trois arrêtés ont été signés le même jour, c’est-à-dire le 30 juin 2021. Une rapidité qui l’a fait sursauter. «Notre Administration n’est pas aussi performante pour des dossiers qui doivent transiter d’un bureau à un autre.» Pour elle, la bataille avec Plateau n’est pas financière, mais il s’agit d’une gestion d’u patrimoine historique. «Le maire du Plateau, dans une conférence, a dit qu’il ne percevait pas les taxes. Il est dans le Conseil municipal, il est le président de la Commission des finances. Les taxes, de 2010 jusqu’à maintenant, c’est la mairie du Plateau qui les prend. La ville de Dakar n’a pas pris ces taxes. Les taxes ne nous intéressent pas. Quand on nous a dit que les marchés revenaient aux communes, on a laissé les taxes aux communes. Mais ce bâtiment, c’est un bien de la mairie, nous avons le droit de protéger notre bâtiment. C’est cette bataille que nous menons», tonne Mme Wardini.
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