L’ancien Président sous le feu des projecteurs : SÉQUENCES DE DÉMACKYLLAGE

Macky Sall, remplacé par le régime de Pastef, voit quotidiennement, depuis 18 mois, son héritage présidentiel chahuté par ses successeurs, qui détricotent tout ce qu’il a construit bien ou mal. L’ex-Président semble avoir mis fin à sa période de réserve post-Présidentielle, marquant un retour sur la scène politique nationale avec une série de déclarations et d’initiatives perçues comme une véritable «offensive» pour brouiller le message du régime. Ce regain d’activité intervient dans un contexte de transition politique, suscitant des réactions variées au sein du nouveau régime en place.
L’ombre de Macky Sall, qui se projette depuis l’extérieur, est-elle devenue si oppressante ou étouffante pour les tenants du régime ? Depuis son départ du pouvoir, l’ancien chef d’Etat, Macky Sall, avait fait profil bas, respectant une certaine tradition républicaine. Après une parenthèse ouverte lors de la campagne pour les Législatives de novembre dernier. S’il a permis à son parti et ses alliés de décrocher un groupe parlementaire à l’Assemblée, il l’a refermée pour faire «focus» sur sa carrière internationale. Il y a eu le débat sur le maquillage des chiffres des comptes publics, la loi interprétative sur la loi d’amnistie, les arrestations de ses anciens compagnons. Mais, l’ex-chef de l’Etat a préféré les projecteurs des conférences internationales sur l’environnement, la dette, sans commenter l’actualité politique du pays.
Entre l’Ag de l’Onu et maintenant, il a ouvert une séquence médiatique et des rencontres avec ses partisans, réaffirmant son rôle de chef de parti ou du moins en tant qu’acteur influent. Ses interventions ont souvent ciblé des aspects de la politique actuelle du gouvernement, portant principalement sur l’économie, la gouvernance et les réformes institutionnelles envisagées. Ces prises de position sont interprétées par certains observateurs comme une volonté de structurer et remobiliser l’ancienne majorité présidentielle, l’Alliance pour la République (Apr), qui peine à trouver ses marques dans l’opposition.
A l’extérieur, il entretient une aura pour quel dessein ? La présentation de L’Afrique au cœur en pleine Assemblée générale de l’Onu, la conférence à Atlantic Council, son entretien-confidence très suivi, la contre-offensive de ses avocats sur la dette cachée qui plombe les relations entre le Fmi et le Sénégal ont rallumé l’espoir dans le cœur de ses militants, pris dans une cavalcade de déceptions, et ravivé les rancœurs dans certains cercles du pouvoir. Ces derniers sont consternés par ses périples diplomatiques et la lumière qu’il attire lors des grands rendez-vous diplomatiques à l’étranger.
Le ministre de l’Economie, du plan et de la coopération, Abdourahmane Sarr, a été parmi les premiers à réagir. Ses commentaires se concentrent principalement sur l’héritage économique du régime précédent. Sans nommer directement Macky Sall, M. Sarr insiste sur la nécessité d’une rupture avec les «anciennes pratiques» de gestion des finances publiques et de la dette. «Nous ne sommes pas là pour faire des procès, mais pour corriger les trajectoires qui ont conduit notre pays à des vulnérabilités. L’heure est à la souveraineté économique, ce qui passe par une revue sans concession des engagements passés», a-t-il déclaré lors d’un récent forum. Dans le même sillage, Habib Sy et Daouda Ngom s’étaient montrés passablement agacés par la présence trop visible de Macky sur la scène diplomatique, gênant même l’Etat dans certaines rencontres internationales.
Aujourd’hui, l’offensive (ou contre-offensive ?) de Macky Sall apparaît comme la première étape de la reconstruction de son parti, qui a connu dernièrement un relooking avec la nomination de certains jeunes au sein de son Secrétariat exécutif national, comme Pape Malick Ndour, Hamidou Anne ou Pape Mahawa Diouf.
Le nouveau régime, conscient de l’enjeu, gère la situation avec une stratégie à deux volets : fermeté idéologique sur les erreurs du passé (Sarr et Sy) et concentration pragmatique sur l’avenir et les promesses de campagne (Ngom). La confrontation, qui s’annonce longue et structurée, mettra à l’épreuve la capacité du gouvernement à maintenir le cap de la «rupture» face à l’expérience d’un ancien chef d’Etat désireux de conserver une influence… et peut-être même de revenir aux affaires. Qui sait s’il s’agit d’un travail d’ingénieur pour construire une troisième vie ?
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