Depuis plus de dix jours, plusieurs localités du Fouta sont noyées sous les eaux. Le fleuve Sénégal, en crue, a débordé de son lit, isolant des villages, menaçant des ponts de s’effondrer, détruisant des cultures et des stocks de vivres, et inondant des écoles et des infrastructures sanitaires. Pourtant, face à cette situation critique, l’intervention des autorités tarde à venir. Une question s’impose : pourquoi un tel silence des autorités ?

Les appels à l’aide se multiplient depuis le terrain. La société civile foutankaise, par le biais d’organisations telles que la Fédération des associations pour le développement du Fouta (Fafd) et Fayannde, se mobilise tant bien que mal pour porter assistance aux populations locales, notamment aux écoliers. Mais la réponse gouvernementale se fait attendre.

Où est l’Etat du Sénégal ?
Dès les premiers signes de débordement, des voix se sont élevées pour demander la mise en œuvre immédiate du Plan Orsec. Pourtant, ce n’est qu’après que la situation a empiré, aggravée par les lâchers d’eau de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs), que l’Etat du Sénégal a commencé à réagir -et encore, timidement. Ce manque de proactivité soulève une question légitime : les autorités auraient-elles agi de la même façon si la catastrophe avait frappé une autre région du pays ?
Le contraste avec la gestion des récentes inondations à Kédougou et à Bakel est frappant. Le président de la République s’est rendu à Kédougou dans les jours qui ont suivi les inondations, et le ministre de l’Intérieur à Bakel. Pendant ce temps, le Fouta attend toujours une réponse significative à sa détresse. Pourquoi cette différence de traitement ?

Un manque de considération pour le Fouta ?
Il serait hasardeux d’accuser directement le gouvernement d’un quelconque favoritisme ou d’une négligence intentionnelle. Cependant, l’inertie observée vis-à-vis du Fouta, région historiquement marginalisée, ne peut être ignorée. Le Fouta a longtemps joué un rôle-clé dans l’histoire et le développement du Sénégal, et ses habitants, tout comme ceux des autres régions, méritent que l’Etat les soutienne avec la même vigueur face aux catastrophes.

Certaines voix critiques n’hésitent pas à émettre l’hypothèse que cette lenteur à agir pourrait être une forme de représailles politiques, liées aux récentes dynamiques électorales. Si cela s’avérait exact, cela constituerait non seulement une erreur stratégique, mais aussi une atteinte grave aux principes d’équité et de justice qui devraient guider toute action publique.

Les conséquences d’une telle négligence
Au-delà des spéculations politiques, les conséquences humaines et matérielles des inondations au Fouta sont réelles et dramatiques. Les périmètres agricoles, vitaux pour l’autosuffisance alimentaire de la région, sont sous l’eau. Des familles entières ont perdu leurs récoltes, leurs stocks de vivres, et voient leurs habitations submergées. Les écoliers, déjà confrontés à un manque d’infrastructures adéquates, risquent de passer des semaines, voire des mois, sans pouvoir retourner en classe. Les infrastructures sanitaires, quant à elles, sont paralysées, augmentant le risque de maladies.

Le silence prolongé des autorités face à cette situation met en danger non seulement la vie des habitants, mais aussi la stabilité économique et sociale de la région. Comment reconstruire sans aide ? Comment réhabiliter les infrastructures sans un soutien étatique fort et rapide ?

Un appel à l’action
Les Foutankais ne demandent pas un traitement de faveur, mais simplement que leurs voix soient entendues et que leurs droits soient respectés. L’intervention de l’Etat dans cette crise ne devrait pas être une option, mais une obligation. Il est temps que les autorités agissent avec la même diligence et la même détermination qu’elles ont montrées ailleurs. Le Fouta fait face à une catastrophe humanitaire et écologique, et chaque jour qui passe sans une action concrète aggrave un peu plus la situation. La question reste ouverte : pourquoi un tel silence des autorités sur le Fouta ?
Adama DIOP
Natif du village d’Agnam-Goly résidant au Canada