Au cours des auditions à la barre il y a quelques jours, Matar Diokhané avait déclaré que normalement il méritait d’être décoré par l’Etat du Sénégal pour avoir, dit-il, assister des Sénégalais à quitter le fief de Boko haram. Il a demandé une distinction des pouvoirs publics et il a reçu une «décoration» du procureur, mais très salée. «Pour les actes qu’il a eu à poser, c’est vrai j’ai essayé de chercher comment pouvoir le décorer, mais la seule décoration, à mon avis, qui vaille est de l’élever au grade peut-être des premières personnes à être condamnées par votre juridiction pour complicité d’actes de terrorisme, association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, apologie, financement du terrorisme et blanchiment de capitaux et parmi les accusés qui devront être condamnés à la perpétuité», ironise Aly Ciré Ndiaye.
Ce dernier est aussi longuement revenu sur les aveux de certains accusés. Ceux qui sont allés à Goza, rebaptisé Fatkhoul Moubine sous l’escarcelle de Boko haram, ont révélé avoir maîtrisé le maniement des armes, les tactiques de tir, mais aussi l’initiation à la conduite des motos, la formation sur l’utilisation des armes lourdes, les chars de combat, la fabrication d’explosifs. «L’essentiel a reconnu avoir rencontré Abubacar Shekau qui leur a adressé ses vives félicitations, ses encouragements», a jouté le présentant du ministère public.
Selon toujours le parquetier, la perquisition effectuée par les enquêteurs chez imam Ndao après son arrestation a permis de mettre la main sur des documents numériques et vidéos. Dans ses mails, il a été trouvé le manuscrit envoyé par Matar Diokhané pour correction. Et d’après lui, des documents saisis parlent de l’approche des combattants contre les gouvernants, la stratégie de jihad, un plaidoyer sur les fausses accusations. Un document «confidentiel» envoyé par Saliou Ndiaye dit Baye Zale qui fait les éloges de Oussama Ben Laden, mais aussi 69 vidéos de l’Etat islamique et de Boko haram faisant la propagande jihadiste, des décapitations d’otages, camp d’entraînement, l’endoctrinement des enfants, la condamnation de pratiques culturelles.
D’après le maître des poursuites, chez Coumba Niang, c’est une forte documentation versée intégralement dans le jihad violent au combat appartenant à son mari Matar Diokhané qui a été découverte. Il s’agit d’une encyclopédie sur le jihad, «véritable guide parfait du jihadiste», qui montre comment s’en prendre aux femmes et enfants des mécréants, sur la légalité des vols de mécréants, combattre les infidèles, prévoir des attentats-suicides. Et d’autres livres portant sur le jihad, ses formes et caractéristiques.
Il faut rappeler que toute cette procédure, selon le Parquet, est partie de juillet 2015, date à laquelle à travers le réseau social Facebook un message, venant de Abu Hamza Ndiaye et mettant en évidence des photos de Sénégalais morts en Libye, a été découvert. Et après exploitation, dit-il, des messages de menace contre le président de la République ont été aussi vus. Alors à la suite d’enquêtes subséquentes, tout ce monde a été mis dans le panier à salade des Forces de défense et de sécurité.
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