Dans le cadre de l’émigration clandestine qui hante actuellement le sommeil des dirigeants du monde entier, il est d’une très haute importance que le leadership africain se réveille pour sauvegarder ce qui reste de dignité aux Africains dans un premier temps et, dans un deuxième temps, travailler sérieusement pour dégager les voies et moyens de faire respecter la race noire à travers le monde. Ce respect doit cependant commencer en nous-mêmes avant de l’attendre des autres.
En effet, un dicton wolof dit que pour connaître quelqu’un, il faut se rendre chez lui : la qualité de l’environnement immédiat présenté au visiteur sera égale au niveau de considération qui sera attribué à la personne qui reçoit.
Malheureusement, on remarque qu’en Afrique noire, les dirigeants ne prêtent attention qu’à la ville capitale où sont souvent concentrés tous les centres d’intérêt, en négligeant parfois les autres villes de l’intérieur. Cette stratégie favorise le dénuement de ces villes délaissées en termes d’infrastructures et de services. Les décisions relatives à l’aménagement du territoire, du plan d’occupation des sols et du plan d’urbanisme, si elles étaient bien appliquées dans leur mise en œuvre, les installations spontanées dans des zones non aedificandi ou des rues étroites et sablonneuses ne seraient pas présentes dans le décor des nouvelles cités qui vont continuer à s’accroître avec l’exode vers les centres urbains. Au demeurant, cette situation favorise des désagréments récurrents liés aux inondations, avec leurs conséquences incommensurables. En conséquence, l’environnement est difficilement maintenu avec des eaux stagnantes ou des canalisations en mauvais état de nature à favoriser la prolifération de microbes, tout en posant des risques sanitaires élevés dont la prise en charge est parfois difficile. Une bonne planification pourrait pourtant éviter tout pilotage à vue et faciliterait la définition claire des objectifs, des priorités, des outils ou ressources et des délais.
Il convient donc de changer radicalement de comportement à travers une bonne sensibilisation, avec de la rigueur dans la démarche. Le manque de considération de l’homme noir peut donc provenir de la mauvaise prise en compte de notre environnement immédiat et de notre négligence dans l’image d’ensemble que nous présentons au reste du monde.
Pourtant, l’homme noir s’est toujours soucié de sa dignité à travers ses épreuves dans l’histoire. Cet attachement à son honneur et à sa dignité a fait dire au Général Faidherbe, accompagné de Pinet Laprade, le 16 mai 1859 devant l’Armée du Sine : «Ces gens-là, on les tue, on ne les déshonore pas.»
Dans cette émigration qui n’est pas un phénomène nouveau et qui est présente dans l’histoire de toutes les nations, l’homme noir est persécuté, humilié, torturé et même vendu comme esclave sur sa propre terre. Un nombre croissant de migrants transitant par la Libye sont vendus dans des «marchés aux esclaves» avant d’être soumis au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle, selon un rapport publié mardi 11 avril 2017 par l’Organisation internationale pour les migrations (Oim). Des journalistes de Cnn ont même filmé une vente d’êtres humains en Libye le 15 novembre 2017 que l’Onu a dénoncée.
Le Président tunisien, dans un récent discours raciste, a traité les Subsahariens de tous les noms. Certains de nos frères et sœurs sont actuellement acheminés de force par les autorités tunisiennes dans des endroits déserts et dépourvus d’eau et de nourriture, et abandonnés à eux-mêmes, exposés à une extrême vulnérabilité. Les dernières informations nous apprennent que les représentations diplomatiques africaines concernées sont actuellement en train de s’activer dans leur prise en charge. Ces derniers développements doivent ici et maintenant sonner le réveil du leadership au niveau de l’Union africaine pour mettre un terme définitif au traitement dégradant du Noir partout dans le monde, car cela ne concerne pas seulement les Sénégalais mais tous les Africains.
La prédiction prêtée à Napoléon en 1816 : «Laissez donc la Chine dormir, car lorsque qu’elle s’éveillera, le monde entier tremblera», est devenue le titre de l’essai de Alain Peyrefitte paru en 1973. L’auteur a estimé que compte tenu de la taille et de la croissance de la population chinoise, elle finira inexorablement par s’imposer au reste du monde dès qu’elle maîtrisera une technologie suffisante. Les faits lui ont donné raison car la Chine est présentement à la deuxième place de l’économie mondiale.
Il est également vrai qu’au même moment, l’Afrique se trouve être incontestablement la région la plus riche en ressources naturelles avec ses quantités énormes d’or et un sous-sol qui regorge de divers métaux (fer, cuivre, aluminium, platine, chrome…) et d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel). A l’échelle mondiale, il est estimé que l’Afrique représente 40% des réserves d’or, 30% des réserves de minerais et 12% des réserves de pétrole. Ces richesses non négligeables représentent donc de solides arguments en faveur d’un développement, à la même condition liée à la maîtrise d’une technologie appropriée. Certes la Chine, qui compte 1, 412 milliard d’habitants, est un seul pays, pendant que le continent africain abrite 54 Etats différents mais qui totalisent ensemble une population d’1, 449 milliard. Avec une volonté politique partagée, ils peuvent ensemble concevoir et mettre en œuvre un plan d’actions pour satisfaire à cette condition relevant de la maîtrise d’une technologie suffisante ; cela est dans l’ordre du possible.
Maintenant que toutes les puissances de la planète sont à table en Afrique, le leadership africain doit rythmer la cadence des échanges en toute lucidité, avec tous les partenaires potentiels dont les retombées pourront contribuer à rendre meilleures les conditions de vie de l’homme noir dont l’honneur et la dignité n’ont pas de prix. Il ne serait pas superflu d’envisager dans la foulée, la création d’un organe d’information African News Network (Ann) pour fournir une bonne couverture des situations où les ressortissants africains sont impliqués partout dans le monde et assurer le suivi des décisions prises au niveau stratégique. L’Union africaine dispose de toutes les ressources nécessaires pour la création et la mise en œuvre d’un tel organe d’information.
Alioune FALL
108, Comico Mermoz