La pandémie de la Covid-19 a révélé les tares des pays africains et du Sénégal en particulier. Elle a lamentablement changé les démarches et stratégies de développement mises en œuvre depuis longtemps par notre gouvernement. Celui-ci, pour affronter la Covid-19, a développé un plan de riposte économique et social qui a consisté à venir en aide à tous les secteurs touchés (commerce, transport, tourisme, économie formelle et informelle et l’éducation etc.). Et après quelques mois d’observation et d’analyse, le président de la République a jugé nécessaire d’assouplir les mesures assorties du couvre-feu. Ce recul est dû à l’arrivée d’une éventuelle récession économique qui pourrait d’ailleurs être plus mortelle que la Covid-19. Initiant les Sénégalais comme partout d’ailleurs à vivre avec le virus, pour une deuxième fois, la levée des restrictions du transport et du couvre-feu a vu le jour. Cette situation permettra une relance économique, surtout informelle et les transporteurs en sont les plus grands bénéficiaires.
A l’approche de la saison hivernale supposée précoce et pluvieuse, le retour vers l’agriculture semble être le meilleur moyen pour une résilience économique plus prompte.
A mon humble avis, pour que celui puisse avoir lieu, l’Etat doit adopter une nouvelle politique plus endogène. Il s’agit de mettre en place ces mesures :
1_ Soutenir l’agriculture familiale et organique ;
2_Arrêter les importations des produits alimentaires (poulets, concentré de lait, de tomate, du riz etc.) pour éviter de ruiner les conditions d’existence des millions de petits paysans et de leurs familles ;
3_Revoir la politique commerciale afin de permettre la régulation de nos productions agricoles ;
4_L’Etat doit aussi assurer une cohérence dans ses politiques, en particulier dans le domaine commercial et du développement.
L’application de la souveraineté économique et alimentaire doit être une nouvelle priorité dans les programmes de développement du Sénégal.
Toujours dans ma vision, nous devons promouvoir une spécialisation de production dans les différentes zones agro-écologiques du pays (la vallée du fleuve et le bassin de l’Anambé pour la production du riz, le bassin arachidier pour la production du mil et de l’arachide, la zone sylvo-pastorale, principale pourvoyeuse du bétail et ses productions connexes).
Notre Sénégal dispose d’une démographie qui peut être une véritable opportunité pour sortir des ténèbres de sous-production. La jeunesse qui présente plus de 70% de la population aurait été plus utile si elle était formée dans l’entreprenariat, les stratégies de diversification de l’économie locale, l‘auto-emploi et l’usage simultané des connaissances scientifiques et holistiques pour aboutir à une production agricole moderne, à l’image du Brésil vers les années 1970.
Le milieu rural, quant à lui, doit humer l’air du développement, de la transformation des produits surtout forestiers ligneux et/ou non ligneux et l’accès aux services sociaux de base. Ces services sont aujourd’hui un véritable handicap dans certains lieux, notamment dans mon cher Ferlo. Ce qui fait que malgré le potentiel foncier et les bras valides, il est classé dans le bas de l’échelle.
Espérer avoir un Sénégal nouveau, plus opulent et prospère après le Covid-19 est bien permis, mais il faut avoir plus de volonté et de courage. L’adage disait : «Il nous faut rien pour rien.» L’autre dit : «Qui veut aller plus loin ménage sa monture.»
Mais je dis ceci : «Au milieu de chaque crise, il y a des opportunités et des leçons.»
Bocar Harouna DIALLO
Géographe ruraliste et spécialiste en Gestion et Développement des espaces ruraux et migration et développement