Il est avéré et historiquement établi que l’esclavage est un phénomène socioculturel résultant de multiples causes et qu’il existait, bien avant l’avènement de l’islam, dans les sociétés païennes arabes et dans plusieurs autres sociétés à travers le monde.
Mais compte tenu de son idéal égalitaire, de son objectif à guider l’humanité tout entière et de parfaire la vie sur terre, l’islam a édicté plusieurs dispositions visant à éradiquer progressivement cette pratique injuste. Plusieurs prescriptions, orientations, recommandations coraniques et prophétiques témoignent de la volonté de l’islam de mettre fin à l’esclavage. Ces dispositions, à l’époque où elles ont été édictées, étaient très novatrices. Elles contredisent les accusations infondées de ceux qui veulent ternir l’image de l’islam en le qualifiant, à tort, de religion esclavagiste.
Nous trouvons lesdites dispositions visant l’éradication de l’esclavage dans les versets coraniques et hadiths prophétiques suivants :
Allah dit :
«Pourquoi (l’Homme) ne s’efforce-t-il pas à surmonter les obstacles (du Jour Dernier) ? Et comment surmonter les obstacles ? Affranchir un esclave ou nourrir en un jour de famine, un proche orphelin ou un pauvre dans le besoin» (Coran, 90 : 11-16) ;
«Quiconque tue par erreur un croyant, qu’il affranchisse alors un esclave croyant et remette aux proches de la victime le prix du sang» (Coran, 4 : 92) ;
«Allah ne s’en prend pas à vous pour la frivolité de vos serments, mais Il s’en prend à vous pour les serments que vous faites délibérément. L’expiation en sera de nourrir dix pauvres, de ce dont vous nourrissez normalement vos familles, ou de les habiller, ou d’affranchir un esclave» (Coran, 5 : 89) ;
«Et pour ceux qui se sont interdits leurs femmes comme le sont leurs propres mères puis ils reviennent sur cette décision, alors qu’ils affranchissent un esclave avant qu’ils redeviennent conjoints comme avant…» (Coran, 58 : 3) ;
«Et quant à ceux de vos esclaves qui cherchent contrat d’affranchissement, alors passez contrat avec eux, si vous savez du bien en eux (leur maturité, leur droiture et leur capacité à gagner leur vie, par exemple), et donnez-leur des biens qu’Allah vous a procurés» (Coran, 24 : 33) ;
«Rien d’autre, en vérité, la Zakat est pour les besogneux, et pour les pauvres, et pour ceux qui y travaillent (la collecte), et pour ceux dont les cœurs sont à gagner, et pour l’affranchissement des esclaves, et pour ceux qui sont lourdement endettés, et dans le sentier d’Allah et pour le voyageur qui a épuisé sa provision. Une prescription d’Allah ! Et Allah est Omniscient, Sage.» (Coran, 9 : 60)
Il ressort clairement de ces versets coraniques que l’islam multiplie les voies de salut du musulman fondées sur l’affranchissement des esclaves. Il combat ainsi l’esclavage en en faisant un moyen pour le croyant de se libérer lui-même des contraintes de ce monde et d’accéder au paradis. En effet, dans un monde musulman où chaque croyant aspire au salut éternel, l’islam facilite la rédemption des pécheurs, autrement voués aux tourments ici-bas ou au châtiment divin dans l’au-delà, en leur enjoignant de libérer un esclave ou de contribuer à le faire libérer. Affranchir un esclave, dans les cas énoncés par ces versets, revient ainsi à s’affranchir de l’Enfer. Quel croyant y renoncerait ? C’est sans doute ce qui avait poussé Aboubakr à acheter et affranchir Bilal, le muezzin du Prophète (Paix et Salut sur Lui).
Qui peut, en toute honnêteté morale et intellectuelle, accuser l’islam d’esclavagisme, alors qu’il a été abolitionniste bien avant la lettre ?
Le Prophète (Paix et salut sur Lui) dit :
«Quiconque gifle ou frappe son esclave, la réparation en est son affranchissement» ;
«Quiconque affranchit un esclave musulman aura payé le prix de la rançon contre l’Enfer» ;
«Toute femme esclave ayant enfanté avec son maître, celui-ci ne peut plus la vendre ou l’offrir à quelqu’un d’autre. Elle devient libre dès la mort de son maître.»
«Trois catégories de gens auront une double récompense le Jour Dernier : celui parmi les gens du Livre (les juifs ou les chrétiens) qui, après avoir cru à son messager a cru à ma prophétie ; tout esclave qui accomplit son devoir vis-à-vis d’Allah et vis-à-vis de ses maitres ; et celui qui détient une esclave dont il veille sur l’éducation et l’instruction, puis il l’affranchit avant de l’épouser.»
L’on conviendra sans difficulté que, dans un monde éclairé des lumières de l’islam, rien que le premier des hadiths ci-dessus aurait suffi à mettre un terme à la traite négrière, qui s’est caractérisée par une violence impitoyable et inadmissible envers les esclaves. Combien de femmes (et peut-être d’hommes ?) esclaves le troisième hadith aurait-il affranchi ? À coup sûr, assez pour abolir l’esclavage en quelques générations.
La lettre et l’esprit des textes islamiques sont clairement anti-esclavagistes. Il n’est guère imputable à l’islam que l’esclavage soit encore pratiqué en terre musulmane, exactement comme nul ne peut reprocher à l’islam que l’alcool, entre autres mauvaises pratiques, soit vendu, transporté et/ou consommé par des musulmans. Les textes religieux islamiques ne souffrent d’aucune ambiguïté à cet égard. C’est leur application qui fait défaut.
A travers les versets coraniques et hadiths mentionnés ci-dessus, nous pouvons constater que l’islam a mis en place différents dispositifs en vue de mettre fin à la pratique de l’esclavage.
Mais malgré la volonté manifeste de l’islam d’arriver à bout de ce fléau, celui-ci demeure toujours injustement dans nos sociétés. Dans celles-ci, on hérite du statut d’esclave. Malgré l’interdiction, par la loi, de pratiquer l’esclavage, des hommes et des femmes sont encore tenus pour être des esclaves. C’est le cas notamment en Sénégambie et dans d’autres pays ouest-africains. Ce groupe est considéré comme étant inférieur à toutes les autres catégories sociales. Cette situation interdit tout mariage entre maîtres et esclaves alors que l’islam recommande à l’homme de demander la main de son ancienne esclave après l’avoir affranchie. Pire, on interdit aux esclaves d’être des imams ou des chefs de village, alors que l’islam demande aux musulmans d’obéir à leur dirigeant, même s’il est esclave. Aussi, l’islam n’interdit point qu’un esclave soit imam, car Aïcha, l’épouse du Prophète (Paix et salut sur Lui), avait un esclave du nom de Zakwan, qui dirigeait la prière chez elle.
Je me demande donc sur quoi se basent les religieux qui réfutent la désignation d’un imam, parmi ceux considérés comme esclaves, alors qu’il est établi et authentifié qu’un esclave dirigeait la prière chez Aïcha.

Conclusion :
En vue de l’éradication de cette injustice sociale fortement ancrée dans les sociétés ouest-africaines à dominante musulmane, je conseille vivement aux gens de cesser de qualifier certains d’esclaves (Diaam chez les Wolofs et Maccudo chez les Haal-pulaar), tout comme j’invite et j’encourage les dignitaires religieux et ceux considérés comme nobles dans les sociétés où l’on trouve cette pratique (Sénégal, Gambie, Mali, Mauritanie, Guinée, etc.) à prendre des épouses issues des familles prises pour être esclaves. Cette recommandation vise à ce que des personnes témoignent de leur solidarité à ces familles. Elle a aussi pour finalité l’éradication de cette pratique injustifiée aux conséquences sociales désastreuses. Allah dit : «En vérité, Allah ne change, en un peuple, tant qu’ils n’ont rien changé en eux-mêmes.» (Coran, 13 : 11). Le Prophète (Paix et Salut sur Lui) dit lui aussi : «Nul n’est vraiment croyant tant qu’il n’aura pas aimé pour les autres ce qu’il aime pour lui-même.»
Et il n’est jamais trop tard pour bien faire ou pour réparer une injustice.
Puisse Allah nous éclairer le chemin et nous préserver des actions contraires à l’islam.
Fraternellement
Chérif Mouhamadoul-Moukhtar KANE
cherifpress@gmail.com