Louga est une région à la fois agro-sylvo-pastorale et d’émigration. La situation de référence réalisée en 2022 par le Bureau d’accueil, d’orientation et de suivi (Baos) de Louga renseigne que plus de 85% de la migration se font de manière régulière dans cette localité. 58, 5% de ces migrations se font vers l’Europe, contre 39, 5 vers l’Afrique. Cependant, les femmes d’immigrés restées au pays, notamment à Louga, souffrent le martyre. Entre une longue attente et l’incertitude de revoir leurs époux, elles sont entre l’enclume du poids de la société et le marteau de la réalité de la vie.

Par Pape Moussa DIALLO – S’il est vrai qu’on trouve le bonheur en se mariant, il n’en demeure pas moins qu’un mariage à distance peut être source de malheur. Beaucoup de femmes sénégalaises, liées à des Sénégalais établis à l’étranger, ne savent plus où donner de la tête. Entre le stress et l’angoisse de la longue attente et l’incertitude de revoir un jour leurs époux, les femmes d’immigrés restées au pays se trouvent entre le poids du regard de la société et le stress des tumultes de la vie. Crée en 2018, à la veille de la pandémie de Covid-19, l’Union des femmes des émigrés du Sénégal (Ufes) promeut la valorisation, le développement et l’accompagnement des femmes d’immigrés pour plus d’équité et de justice sociale. «Nous sommes dans la région de Louga où les réalités sociales font que les femmes ne peuvent pas beaucoup parler malgré leurs souffrances», déclare Mme Thiaba Guèye, représentante de l’Ufes à Louga. Elle enchaîne : «Même quand l’époux est à l’étranger, la femme a besoin d’argent pour faire face à certaines urgences de la maison. Et, elle ne peut pas sortir demander. Parce que tout simplement ce serait pas compréhensible en tant que femme d’immigré.» Ce qui les pousse à épouser certains comportements. «Cer­taines femmes s’adonnent à des pratiques extraconjugales parce que le mari est resté longtemps sans venir, n’envoie pas suffisamment et/ou par besoin», décrit Mme Thiaba Guèye. Des situations qui, selon elle, ne «militent» pas en faveur de la femme mariée à un immigré et de la stabilité de son couple. Il y a aussi que parfois, la communication fait défaut. Ce qui n’est pas sans conséquences sur la stabilité de la relation à distance tant du point de vue de la confiance que de l’assurance. «Il y a certaines femmes qui ont leurs maris en prison. Mais, elles n’ont aucune information. On ne les aide pas à renouer le fil», précise-t-elle. Aujourd’hui, le combat pour leur autonomisation doit être mené. Elle pourrait mieux leur permettre de rester dans les liens du mariage et aussi de renforcer leur résilience. Pour la représentante de l’Ufes à Louga, «il faut les accompagner pour leur permettre de voler de leurs propres ailes d’une part, et d’autre part, mettre au point un plan de retour des Sénégalais au bercail». Pour ce faire, l’Etat doit satisfaire quelques préalables comme l’accompagnement de l’investissement productif des immigrés par la création d’une banque qui leur est dédiée, l’organisation et l’accompagnement de leurs épouses, leur intégration dans les comités de gestion, par exemple des forages ruraux, etc. «La création d’une banque des immigrés va non seulement aider à mieux organiser et capitaliser le transfert des fonds des Sénégalais de l’étranger, mais aussi faciliter l’accès au crédit pour les femmes d’immigrés qui en éprouvent toujours des difficultés avec les banques classiques», dit Mme Guèye. Sachant que le transfert des fonds de la diaspora est supérieur à l’aide publique au développement, Mame Thiaba Guèye plaide pour que l’Etat permette aux immigrés ou leurs épouses de «posséder certaines actions dans les entreprises».