Mahamat-Saleh Haroun au Festival de Cannes : «Lingui»,conte féministe du réalisateur tchadien

Jusqu’ici, le film le plus féministe de la compétition au Festival de Cannes a été réalisé par un homme africain. Dans Lingui, Mahamat-Saleh Haroun questionne les liens et valeurs considérés comme sacrés dans une société patriarcale comme le Tchad : l’interdiction absolue de
l’avortement, l’excision des filles et la soumission des femmes. Le cinéaste tchadien réussit à transformer une histoire tragique en une utopie optimiste, grâce à la force des images d’une beauté renversante.
Si l’on devait choisir une seule scène de ce film merveilleux, ce serait celle du début. Là où Amina est en train de se décarcasser pour faire sortir d’un ancien pneu de camion des fils d’acier pour tisser ensuite de magnifiques paniers. Une fois qu’elle a fait renaître la matière sous une autre forme, la mère quitte sa
maison modeste pour aller chercher un avenir pour sa fille de 15 ans et soi-même.
Habillée d’une robe orangeocre épousant le soleil et le sable, et avec trois paniers sur la tête et deux dans les mains, elle se promène, dégageant une
grâce divine. Pourtant, il faut se rappeler : elle est juste en train d’aller en ville pour vendre ses paniers dans la rue ou sur le marché. A l’image d’un
peintre, Mahamat-Saleh Haroun dégage toutes les choses superflues ou superficielles de ses compositions pour aller à l’essentiel. Projetées sur
grand écran, il nous permet de vivre et voyager avec ses personnages, de bouger comme eux dans ce paysage naturel et humain dans lequel il nous a
embarqués comme un capitaine dans sa pirogue.
Le réalisateur tchadien adore donner du temps au temps.
Son cinéma puise son énergie dans la beauté des gestes et des couleurs, la grâce des silhouettes et paysages, les profondeurs de l’humanité exprimées
au travers des voix d’hommes et de femmes.
Depuis toujours, il refuse de soumettre ses images à une obligation d’une quelconque action. Un homme qui crie, prix du Jury au Festival de Cannes en 2010, raconte une histoire père-fils avec en toile de fond la guerre civile au
Tchad, dans laquelle Haroun lui-même a été blessé avant de s’exiler longtemps en France.
En 2013, il présentait à Cannes Grigri, une histoire d’amour entre un jeune danseur handicapé et une jeune prostituée. Et quatre ans plus tard, il était de
nouveau en lice pour la Palme d’or avec son documentaire sur l’ancien Président et dictateur tchadien Hissein Habré, sans lequel il «ne serai(t) jamais