MALI Abandon de la procédure contre l’ex-chef de la junte : Amadou Haya Sanogo ne sera pas jugé

Le général Amadou Haya Sanogo, qui dirigeait la junte qui a mené le coup d’Etat contre Amadou Toumani Touré (ATT), ne sera pas poursuivi dans l’affaire de l’assassinat de 21 bérets rouges en 2012. Les juges de la Cour d’appel de Bamako ont prononcé l’abandon de la procédure ce lundi 15 mars.
Amadou Sanogo n’est plus poursuivi pour l’assassinat des 21 militaires bérets rouges retrouvés dans une fosse commune près de Bamako. Même chose pour ses coaccusés. Cela ne veut pas dire qu’ils sont déclarés innocents ou acquittés, mais qu’il n’y a plus de procès.
Peu après neuf heures du matin ce lundi, lorsque les accusés ont fait leur entrée dans la salle d’audience de la Cour d’appel de Bamako, le général Amadou Sanogo était bien reconnaissable : costume et lunettes noires, il a souri, comme s’il s’attendait à la bonne nouvelle. Après les formalités d’usage, le président de la Cour a donc pris la parole et annoncé l’arrêt des poursuites.
Sa décision est motivée par la loi d’entente nationale. Cette loi, votée en 2019 par l’Assemblée nationale et promulguée sous l’ancien régime, permet dans le cadre de la réconciliation nationale d’arrêter, dans certains cas, des poursuites contre des personnes accusées de crimes contre, notamment, le dédommagement des victimes ou de leurs parents.
Dans le cadre du procès contre le général Amadou Sanogo et ses coaccusés, plusieurs parents de victimes ont déjà été indemnisés. Leur avocat n’était même pas présent au Tribunal ce lundi.
L’action contre les inculpés est donc éteinte, ils sont repartis libres. Reste que l’on n’est pas rentré dans le fond du dossier et que la justice malienne, pour le moment, n’a pas permis de savoir exactement comment les 21 militaires bérets rouges ont été assassinés en 2012 avant d’être retrouvés dans une fosse commune.
Le procureur de la République a trois jours pour introduire un pourvoi en cassation s’il est opposé à la décision du Tribunal.
Pendant toutes ces années, alors qu’il était détenu dans une résidence de Sélingué, dans la région de Sikasso, le fantasque Sanogo est resté influent. Celui qui aimait à se comparer au général de Gaulle demeure une figure difficile à juger sans rouvrir des blessures au sein de l’Armée. L’un de ses anciens coaccusés, le général Ibrahima Dahirou Dembélé, était d’ailleurs ministre de la Défense sous la présidence de Ibrahim Boubacar Keïta (IBK, renversé en août dernier).
Sa remise en liberté provisoire, accordée le 28 janvier 2020, est-elle liée à l’accord trouvé quelques jours plus tôt entre le gouvernement et les avocats des familles des victimes dans le cadre de la loi d’entente nationale ? Celle-ci prévoit notamment d’exonérer de poursuites pénales les personnes ayant commis des crimes et des délits «dans le cadre des événements liés à la crise née en 2012». Les familles, elles, s’en sortent avec des compensations… et un goût d’injustice.
Accord avec les familles des victimes
Jeune Afrique a pu consulter l’accord signé entre Boubou Cissé, qui était à l’époque Premier ministre, et Sagara Bintou Maïga, présidente de l’Association des parents et épouses des bérets rouges assassinés. En plus de l’organisation de funérailles nationales pour les victimes, le statut de «pupilles de la Nation» est accordé à leurs enfants mineurs. Le gouvernement s’est également engagé à attribuer à chaque famille un logement social «de type F5», ainsi que des réparations financières variant selon le grade des victimes. Ainsi, les familles de soldats toucheront 15 millions de francs Cfa (22 mille 867 euros), celles des caporaux 20 millions et celles des sergents-chefs 30 millions. Les familles des adjudants et des lieutenants recevront respectivement 35 et 40 millions de francs Cfa. Selon le même document, l’exécution des réparations aurait dû avoir lieu avant le 15 février 2020.
La question est maintenant de savoir si cette exonération de poursuites constituera ou non, un précédent dont les leaders de l’ex-Comité national pour le salut du Peuple, qui ont renversé IBK, pourront se prévaloir.
Jeune Afrique et Rfi