Une foule estimée à 20 mille personnes s’est mobilisée hier à Bamako sous la conduite de l’imam Mahmoud Dicko, d’autres religieux, des hommes politiques et des personnalités de la société civile, pour exiger le départ du pouvoir du Président Ibrahim Boubacar Keïta.

Le départ du Président Ibrahim Boubacar Keïta du pouvoir est la doléance que portent plusieurs dizaines de milliers de Maliens depuis hier. Pour ce faire, ils ont répondu favorablement à l’appel du très influent imam Mahmoud Dicko et compagnie. Ce dernier a formé une nouvelle coalition avec son mouvement religieux le Cmas, le militant anticorruption Clément Dembélé, qui est porté par le mouvement de la société civile Espoir Mali Koura (Emk), le Front pour la sauvegarde de la démocratie (Fsd) ainsi qu’une grande partie des partis d’opposition.
A l’attention de la foule, l’imam Dicko a déclaré : «Nous condamnons la mauvaise gestion du régime, les malversations, les détournements, le mensonge. IBK n’aime pas les ultimatums, mais cette fois, s’il ne nous écoute pas, il verra pire qu’aujourd’hui.» Une façon de montrer leur détermination à faire partir le locataire de Koulouba. Puisque les manifestants, regroupés autour du Rassemblement des forces patriotiques du Mali, fixent «un ultimatum pour constater (la) démission (du Président IBK) au plus tard à 18h (locales et Gmt) ce vendredi 5 juin». Et hier, ces manifestants comptaient passer la nuit sur la Place de l’Indépendance de la capitale malienne jusqu’à la démission de leur dirigeant.
Foule nombreuse presque sans masque
En dépit de la pandémie du coronavirus qui fait qu’on dénombre 1 461 cas et 85 décès au Mali, environ 20 mille manifestants étaient dénombrés par la police sur la Place de l’Indépendance de Bamako. Une foule nombreuse et bigarrée dans laquelle presque aucun ne portait de masque. «On ne devrait pas être là, parce qu’il y a le corona. Le Président avait promis un masque à chaque Malien, mais personne ici n’en a reçu. C’est un menteur. Donc on vient ici pour contester ce mensonge comme tous les autres», proteste Diawara Issaka, un des nombreux manifestants, qui s’est confié au Monde. «On en a marre. Nous, chefs de famille, ça fait trois mois qu’on n’a pas de salaire», approuve un petit groupe qui s’est formé autour de lui.
Un autre manifestant du nom de Madi Diarra, qui dit avoir voté et réélu Ibrahim Boubacar Keïta aux Présidentielles de 2013 et 2018, ira plus loin. Il accuse le chef de l’Etat malien de gérer «le pays avec son fils, sa femme et son clan. Le problème, c’est que cette caste ne connaît pas les réalités du pays. Ils ne subissent pas la crise comme nous». «Aujourd’hui, il n’écoute même plus son propre camp», charge encore Diarra.
Reprenant en chœur des slogans «IBK démission ! IBK dégage !», ces manifestants reprochent au dirigeant malien une «gouvernance chaotique» qui pourrait «précipiter (leur) pays dans l’impasse». «Gestion catastrophique de la crise multidimensionnelle au Mali, atteinte à l’intégrité du territoire, détérioration sans précédent des services sociaux, paupérisation croissante des populations laborieuses, gabegie financière, corruption, etc.». Telle est, fait remarquer lemonde.fr, la plateforme revendicative brandie avec beaucoup de conviction et de fierté par ces marcheurs.
Pour la libération de Soumaïla Cissé
Le nom du principal opposant Soumaïla Cissé, enlevé le 25 mars alors qu’il était en campagne pour les élections législatives dans sa région d’origine du centre du Mali, a été évoqué dans la manifestation d’hier. Une occasion pour ces compatriotes de M. Cissé d’exiger, à travers leurs banderoles, la libération de ce dernier. La nouvelle coalition appelle «à la mise en œuvre de toutes les actions nécessaires pour la libération de l’honorable Soumaïla Cissé».
La mobilisation d’hier, qui a été encadrée sans incident par la police, est la plus grande à Bamako depuis celle qu’il avait organisée en avril 2019, informe Le Point. Au cours de celle-ci, à l’époque, l’imam Mahmoud Dicko avait invité le Premier ministre d’alors, Soumeylou Boubeye Maïga, à démissionner. Ce dernier avait quitté ses fonctions quelques jours plus tard, après la tuerie de quelque 160 civils peuls à Ogossagou, au centre du pays et à la suite d’une série de manifestations contre la gestion de l’Etat.