Dans un document publié hier, Amnesty International a estimé le nombre de morts, lors des manifestations de la semaine dernière, à 23. L’organisation dénonce une répression meurtrière et exige des autorités l’ouverture d’une enquête indépendante et transparente pour faire la lumière.Par Dieynaba KANE –

Une enquête indépendante sur la répression meurtrière lors des manifestations des 1er et 2 juin derniers. C’est la demande formulée par Am­nesty International. L’orga­nisation de défense des droits humains soutient dans un communiqué que «les autorités sénégalaises doivent immédiatement enquêter de façon indépendante et transparente sur la mort d’au moins vingt-trois personnes dont 3 enfants, lors des manifestations violentes du 1er et 2 juin 2023, et faire la lumière sur la présence de personnes en civil armées opérant aux côtés des Forces de sécurité». Amnesty International, qui dit «avoir recueilli des témoignages et documenté les cas de décès enregistrés lors de ces journées», estime le nombre de personnes décédées lors de ces violentes manifestations à 23. A noter que du côté du ministère de l’Intérieur, il est fait état de 16 décès.

Amnesty International indi­que s’être entretenue «avec 18 personnes, y compris des témoins des cas d’usage mortel de la force et des proches des victimes». De même, elle renseigne avoir «documenté les violations de droits humains à travers l’analyse des vidéos et autres documents comme des certificats de décès et rapports d’autopsie attestant notamment de blessures par balle, ayant entraîné la mort de plusieurs manifestants».

Dans leur document, les défenseurs des droits humains ont donné à titre d’exemple le cas de Bassirou Sarr dont le certificat de genre de mort établi par l’hôpital Général Idrissa Pouye de Grand-Yoff a conclu que «le décès résulte d’un traumatisme crânien par arme à feu». Autre exemple cité par Amnesty, c’est «le rappeur-producteur Abdoulaye Cama­ra dit «Baba Kana», 38 ans», qui a perdu la vie dans ces manifestations. L’organi­sation renseigne avoir «pu analyser plusieurs vidéos montrant la police donnant des coups à Abdoulaye Camara alors qu’il était à terre et visiblement mal en point».

Amnesty International dé­nonce ainsi, lors de ces événements, «plusieurs atteintes aux droits humains et notamment un usage excessif de la force et des atteintes à la liberté d’expression et d’information, à travers la suspension de l’accès aux réseaux sociaux et à l’internet mobile». Evoquant les cas de décès, Samira Daoud, Directrice régionale du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, souhaite que «les responsables d’homicides illégaux soient poursuivis selon les normes de procès équitables». Et Mme Daoud d’ajouter : «Conformément au Droit international, les Forces de l’ordre ne doivent utiliser les armes à feu que dans des circonstances exceptionnelles, en cas de risque imminent de blessure grave ou de mort, et non pour le maintien de l’ordre.»

Amnesty exige la lumière sur la présence d’hommes armés, habillés en civil…
Par ailleurs, l’organisation a aussi constaté la présence d’hommes armés, habillés en civil, aux côtés des Forces de l’ordre. Selon le communiqué, «ces hommes tenant des armes et s’en prenant violemment aux manifestants étaient visiblement identifiés dans des vidéos largement diffusées sur les réseaux sociaux et qu’Amnesty International a pu analyser». Tout en soulignant que la police «a nié la présence de membres des Forces de défense ou de sécurité habillés en civil et a incriminé des éléments de «forces occultes» venant de l’étranger, ayant infiltré les manifestants», Amnesty international rappelle que les lignes directrices de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (Cadhp) stipulent que les agents déployés dans le cadre des manifestations doivent porter des marques d’identification individuelle visibles en opération. Se basant sur ces lignes directrices, Seydi Gassama, Directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, cité dans le document, indique que «l’Etat ne doit pas permettre la présence d’individus non identifiés comme faisant partie des Forces de l’ordre pour des opérations de maintien de l’ordre, ni l’usage de la force». Ce sont, fustige-t-il, «des évidentes violations du Droit international». Et de lancer un appel : «Les autorités doivent faire la lumière sur le rôle et la fonction de ces personnes et les poursuivre pour les violations commises.»
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