Les artistes sénégalais sont restés un moment groggy face aux évènements violents que le pays a traversés ces derniers jours. Mais le rappeur Dip Doundou Guiss est sorti du silence le 6 mars pour proposer un son, «FreeSenegal» qui tire à boulets rouges sur le «tyran» qui gouverne le pays. Le rappeur est aussi un des signataires d’un manifeste rédigé par un collectif d’artistes, de cinéastes et d’universitaires.

Le 6 mars, au plus fort des tensions qui agitent le pays suite à l’arrestation de Ousmane Sonko, le rappeur Dip Doundu Guiss prend le chemin de son studio pour sortir FreeSenegal. L’opus est incendiaire et déverse un flot de paroles sur le «tyran» qui dirige le pays et sa gouvernance. «Trop c’est trop», chante l’artiste, visiblement excédé par l’escalade de ces derniers jours avec les arrestations de certains activistes, le ralentissement d’internet et autres. Dip entonne un hymne qui raconte au détail près, les misères du peuple. Il fustige ainsi le chômage endémique des jeunes, les hôpitaux sans moyens, les accords de pêche qui ont dépouillé l’économie locale aux profits des navires occidentaux.
«Le palais est le temple des voleurs tandis que Rebeuss regorge d’innocents», entonne l’artiste de Grand Yoff qui une fois de plus, dévoile son engagement au moment où les artistes de ce pays étaient plongés dans un silence prudent. Ce cri du cœur a sans doute inspiré d’autres artistes puisque quelques réactions timides ont été entendues sur la toile.

Un collectif d’artistes et d’universitaires
«Il faut que cesse l’impunité internationale du régime de Macky Sall», c’est le titre d’un nouveau manifeste signé par des artistes dont Dip Doundu Guiss et des enseignants. «Chômage massif des jeunes, accroissement des inégalités, scandales de corruption, le tout accentué par une gestion répressive de la crise sanitaire : il s’agit bien d’un ras-le-bol généralisé d’une population qui désavoue la gestion du pays par sa classe politique dirigeante», écrivent les signataires de ce collectif. Parmi eux, des cinéastes, Moussa Sene Absa, Maky Madiba Sylla, Bamba Diop, des musiciens, Wasis Diop, Nit Doff, Fou Malade, Alune Wade, des écrivains comme Khalil Diallo et des professeurs d’université.
«Depuis plus d’un mois, pas un jour ne passe sans que les forces de l’ordre n’arrêtent des opposants au régime, aussi bien militants du Pastef, membres du mouvement Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp) que divers citoyens engagés. La torture, legs de l’administration coloniale maintenu par tous les régimes depuis l’indépendance, est également utilisée comme arme de renseignement», dénonce le collectif qui exige que cesse l’impunité dont ils identifient la cause. « Un système hyper-présidentialiste hérité d’une part de la Vème République française de 1958, et d’autre part de la Constitution sénégalaise de 1963 qui supprima le poste de Premier ministre après l’éviction du chef de gouvernement d’alors, Mamadou Dia, concentrant ainsi les pouvoirs dans les mains de l’exécutif», indiquent-ils.