Il fallait s’y attendre : le Préfet de Dakar a interdit les rassemblements du F24, du Groupe Walfadjiri et de Yaw, prévus respectivement les 23 et 25 juin, en invoquant des risques de troubles à l’ordre public et entrave à la circulation des personnes et des biens. Dans ce contexte pré-Tabaski qui suit les manifestations violentes des 1er et 2 juin faites de pillage et de saccage, le contraire aurait sans doute surpris.

Par Justin GOMIS – Alors que les Dakarois sont plongés dans les préparatifs de la Tabaski, stressés par la rareté et la cherté du mouton, ils devaient se préparer à vivre plusieurs marches ou manifestations politiques. Mais, l’Etat a décidé de tout interdire : le Préfet de Dakar, Mor Talla Tine, a publié hier des arrêtés interdisant trois rassemblements prévus vendredi et dimanche prochains dans la capitale. La Coalition d’opposition Yewwi askan wi projetait marcher le 25 juin 2023, de 15 heures à 19 heures, sur l’itinéraire «Cimetière Saint-Lazare-Cité Keur Gorgui», pour demander la levée du blocus du domicile de Ousmane Sonko. Il a été instauré depuis sa condamnation à 2 ans pour corruption de la jeunesse après qu’il a été acquitté de viols et de menaces de mort sur la masseuse Adji Sarr, qui a interjeté appel. Le Préfet a invoqué, pour motiver sa décision, des «risques de troubles à l’ordre public» et «entrave à la libre circulation des personnes et des biens».
Par ailleurs, la marche prévue vendredi à 15 heures, entre la Place de l’indépendance et le palais de la République, est également interdite. Initiée par le Mouvement des forces vives de la Nation (F24), qui regroupe des partis politiques et des organisations de la Société civile opposés à une éventuelle candidature de Macky Sall en 2024, cette manifestation n’aura pas lieu. Pour le Préfet, les «risques de troubles à l’ordre public» et «entrave à la libre circulation des personnes et des biens», «risques d’infiltration» des organisateurs du rassemblement prévu vendredi à 15 heures à la Place de la Nation sont réels. La troisième demande rejetée concerne la marche du Groupe Walf ce vendredi sur l’itinéraire «Place de l’indépendance-Avenue Léopold Sédar Senghor-palais de la République», pour dénoncer la coupure de son signal. Mor Talla Tine s’y oppose aussi en mettant sur la table des «risques de troubles à l’ordre public» et «entrave à la libre circulation des personnes et des biens».
Pour le Groupe Walf, interdit de diffuser ses programmes durant la période du jeudi 1er juin au samedi 1er juillet 2023, soit trente jours, c’est bientôt la fin de la sanction. Car la Coordination des associations de presse (Cap), qui lutte pour le rétablissement du signal, a eu des garanties justifiant la suspension de la journée sans presse prévue initialement demain. Il faut y ajouter la libération des journalistes Pape Ndiaye et Serigne Saliou Guèye, favorisant une décrispation.
Avec la Tabaski, de nombreux Dakarois s’interrogeaient sur la tenue de ces rassemblements, notamment l’utilité politique de provoquer une tension sur le marché des moutons à moins de 5 jours de la fête. Ragaillardie par les manifestations des 1er et 2 juin faisant suite à la condamnation de Ousmane Sonko pour corruption de la jeunesse à 2 ans de prison, la Coalition Yewwi askan wi appelle à aller libérer le «Patriote» en chef le 25 juin. Du côté du gouvernement, Abdou Karim Fofana assure que «l’Etat fera tout pour protéger ces Sénégalais qui ont le droit d’exercer leur métier, qui ont le droit aussi de gagner leur vie de façon honnête». Le ministre du Commerce et porte-parole du gouvernement l’avait fait savoir mardi lors d’une conférence de presse, en s’offusquant de l’attitude des gens qui appellent à manifester dans ce contexte, a par la même occasion déploré leur «irresponsabilité». En tout état de cause, le ministre soutient que les commerçants «ne peuvent pas être à la merci de qui veut manifester». Et d’ajouter : «Il faut respecter nos compatriotes qui ont fait du commerce leur métier et qui se battent tous les jours pour offrir aux populations l’approvisionnement nécessaire pour la vie quotidienne.»
justin@lequotidien.sn