Les moutons, peu disponibles à Ziguinchor, coûtent très cher. Au Marché des petits ruminants de Tilène, les vendeurs se tournent les pouces alors que les rares clients se plaignent de la cherté des bêtes.Par Khady SONKO –

12 heures au Marché des petits ruminants appelé Fora, sis au quartier Tilène.  Des moutons, il y en a à perte de vue. De toutes les races et de toutes les qualités. L’offre est telle que les enclos ont dépassé le périmètre du marché. Les éleveurs se regroupent par petits troupes pour surveiller leurs troupeaux en prenant du thé. Les uns sont sous des tentes de fortune, d’autres sous l’ombre des arbres pour se protéger du chaud soleil. Si les moutons sont disponibles, les clients eux se font désirer. Les rares rencontrés sur les lieux se plaignent des prix proposés. Aliou Badara Sagna était sur place pour acheter un mouton. Le potentiel acheteur donne son impression : «Le marché est bien approvisionné. Il y a de bons moutons. Il y a deux jours de cela, il n’y en avait pas ici. Reste à voir les prix.»
Mamadou Diallo a quitté Kidira avec 170 têtes de bétail. D’après ce promoteur, les clients achètent au compte-gouttes, depuis mercredi. Ses prix varient entre 70 et 200 mille francs Cfa, selon la race mais aussi la qualité. Ce qui ne satisfait pas beaucoup de gens : «Je pense que vous ne voulez pas vendre vos moutons. Mais c’est vous qui allez perdre dans tout ça si vous continuez sur cette lancée», fait remarquer Malang Faty à un vendeur. M. Faty est sur le lieu depuis près de 3 heures, à chercher un mouton. Il juge les prix trop élevés. «Ça varie entre 195 et 250 mille francs Cfa. C’est trop cher, et ce n’est même pas raisonnable. Il faut revoir les prix à la baisse», plaide-t-il. A l’en croire, il a fait le tour du marché et constaté que les vendeurs se sont passé le mot pour surenchérir les moutons. «Où que tu ailles, on te donne les mêmes prix. Même pas un mouton à 60 ou 65 mille francs Cfa, dans la situation actuelle. Le marché des condiments n’est pas encore venu, alors qu’il fallait s’occuper des enfants et de madame.» Après avoir échangé avec sa femme au téléphone, il patiente encore, dans l’espoir que les prix finiront par baisser un peu.
A quelques pas de là, un groupe d’individus se disputent presque alors qu’ils étaient en négociation. L’un d’eux, un intermédiaire, tente de retenir le client tout en sermonnant le vendeur dans un autre dialecte. «Grand, il faut faire un effort toi aussi. 195 mille, c’est raisonnable pour ce mouton, tu ne trouveras pas mieux ailleurs», lui dit l’intermédiaire, qui sert aussi d’interprète. «Non, je ne peux même pas donner 190 mille, laisse mon boubou que j’aille voir ailleurs», répond le client maintenant en colère. Interpellé, il dit : «Ces gens ne sont pas raisonnables avec ces prix, dans la situation actuelle. C’est très difficile. D’habitude, les prix baissent à quelques jours de la fête, mais cette année, je n’y crois pas.» Un autre client renchérit : «N’y compte pas. Cela ne risque pas d’arriver cette année. Les Guinéens vont venir les derniers jours et tous ces éleveurs savent qu’eux, ils ne négocient pas. Ils garent leurs camions qu’ils remplissent et repartent. Et puis, ne te méprends pas. Il n’y a pas assez de moutons cette année.» Cet acheteur qui s’est invité spontanément au débat, explique que cela fait trois jours qu’il passe négocier, mais les vendeurs ne veulent pas descendre la barre des 200 mille Cfa.
Mme Sarr semble être la seule femme qui se soit déplacée pour acheter un mouton. La transitaire apprécie les moutons, mais trouve qu’ils coûtent trop cher. «Je peux au maximum payer jusqu’à 130 ou 135 mille. Mais je ne trouve pas encore de mouton à ce prix», désespère la belle dame.
Les habitués affirment qu’il n’y a pas encore assez de moutons sur le marché. La majorité des moutons sont issus de l’élevage intensif. Et ces bêtes ne sont pas à la portée de tout le monde. «Mes moutons varient entre 300 et 500 mille. Je suis pratiquement là toute l’année. Là, les clients se font très rares. Il est vrai que les bêtes sont chères, mais c’est comme ça», développe Amadou Ba. Les moutons coûtent cher à Ziguinchor, comme partout ailleurs sur le territoire national. Une cherté que les éleveurs et vendeurs expliquent par la hausse des prix de tout ce qui entre dans l’élevage de moutons, élevage traditionnel comme intensif. «Qu’est-ce qui n’est plus cher d’ailleurs dans ce pays hein ? Tout est cher, donc on comprend ces éleveurs qui prennent de gros risques dans la situation actuelle du pays, avec cette instabilité…», commente un vieux nostalgique du temps pas si lointain, où le plus gros mouton s’achetait à 150 mille francs.
ksonko@lequotidien.sn