Après la saisie de médicaments d’une valeur de plus d’un milliard F Cfa à Touba, l’Ordre des pharmaciens s’est constitué partie civile et demande l’arrestation du présumé propriétaire de la marchandise, qui se la coule douce dans une maison de marabout à Touba, et l’incinération des produits.

Amadou Oury Diallo a été placé hier sous mandat de dépôt. Ce convoyeur des deux camions immatriculés dans un pays voisin et qui transportait des médicaments en direction de Touba  a été interpellé depuis samedi à Alieu par la gendarmerie de Touba Belel. Après un retour de Parquet, il a été placé sous mandat de dépôt et écroué à la Maison d’arrêt et de correction de Diourbel.  La marchandise, dont le coût est estimé à plus de 1,335 milliard F Cfa, est constituée de 300 colis dont des novalgin injectable, amoxicilline, entre autres. Dr Ndiaye Sall, président de la section B de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal, crie au scandale : «Ces produits ne sont pas référenciés au Sénégal, non commercialisés et n’ayant aucun visa, aucune autorisation de mise en vente sur le territoire national. Cela constitue un danger. Ce ne sont pas des médicaments. C’est de la drogue destinée aux populations de Touba. C’est la énième fois que nous nous réunissons pour un fait similaire.  De connaissance de pharmacien, aucune saisie de cette dimension au plan mondial n’a jamais été opérée.» Pourquoi Touba ? «C’est parce qu’il existe un fait récurrent, une réalité qui est là qui est du fait de l’existence de commerçants, qui ont pignon sur rue et qui exercent en toute flagrance, en toute illégalité connu au vu et au su de tout le monde», répond Dr Sall complètement abattu.
Dans son discours, Dr Ndiaye Sall déplore cette situation dont les conséquences sont désastreuses : «Il y a la flambée des maladies chroniques comme les insuffisances rénales, les maladies cardiovasculaires et tout cela est dû à la consommation de produits qui sont non seulement contrefaits mais qui sont détenus par des non-professionnels. Nous nous sommes réunis pas pour défendre un dossier mais pour défendre une cause, la cause, c’est la santé de nos populations, en particulier des populations de la ville sainte de Touba. La cause, c’est  l’ensemble des échecs thérapeutiques que l’utilisation de ces produits peut induire et qui peut anéantir toutes les politiques de santé qui sont développées par l’Etat du Sénégal. Les médecins de Touba ne cessent de le déplorer. Ils administrent de produits et il leur arrive même d’augmenter les doses mais à l’arrivée, c’est un échec. Les patients ne se portent pas bien. D’ailleurs, à cause de l’utilisation de ces médicaments, on dénombre 10 000 nouveaux cas de cancer au Sénégal. Il n’est plus question de parler de médicaments de la rue ou de marché illicite. C’est un commerce organisé, entretenu par d’autres personnes.»

«Touba  ne doit pas être un sanctuaire du mal»
Déterminé à juguler ce phénomène, l‘Ordre des pharmaciens s’est constitué partie civile après avoir confié ce dossier à Mes Abdoulaye Babou et Kanouté. Face à la presse, Abdoulaye Babou a révélé «que le convoyeur n’est pas le propriétaire de la marchandise et qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre la personne supposée être le propriétaire».  Me Abdoulaye Babou plaide déjà ce dossier : «Une information judiciaire a été ouverte.» Le dossier a été confié, d’après une source proche des milieux judiciaires, au juge d’instruction du 2ème cabinet du Tribunal de grande instance de Diourbel. Ils sont accusés d’association de malfaiteurs, de vente illicite de produits pharmaceutiques. Me Babou poursuit : «De gros bonnets sont derrière cette affaire. Un mandat d’arrêt a été lancé contre le cerveau de cette affaire. Les faits sont d’une extrême gravité. On est en face d’un système mafieux. C’est de la drogue pour tuer des Sénégalais. Ces deux camions ont quitté ce pays voisin  avec comme objectif final Touba Alieu parce que tout simplement à Touba, toutes les conditions étaient réunies pour le stockage et la vente dans l’impunité de ces produits. Il y a plus que des complicités, les commanditaires sont à Touba, les  propriétaires sont à Touba.»
Désarmé face à cette situation, l’Ordre des pharmaciens souhaite que la vente illicite de médicaments soit enfin criminalisée.  «Cela a été posé depuis que Souleymane Ndéné Ndiaye était Premier ministre, les pharmaciens voulaient cela mais malheureusement rien n’est fait. Nous sommes en train de revoir les textes. La Commission nationale de lutte contre la vente illicite dirigée par Me Massokhna Kane avait rencontré le porte-parole du Khalife général des mourides pour s’entretenir avec lui sur cette histoire de vente illicite de médicaments», souhaite Dr Sall, qui reste déterminé malgré les «menaces». «On n’acceptera pas que cette saisie tombe dans des lieux inconnus et des destinations que nous ne connaissons pas. Ce n’est rien que de la drogue. Il faut que cette saisie fasse l’objet d’une incinération officielle et devant les journalistes et les autorités», persiste le pharmacien.
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