Le verdict rendu dans l’affaire Sweet Beauté, condamnant Ousmane Sonko et Ndèye Khady Ndiaye à des peines de deux ans d’emprisonnement pour les délits de corruption de la jeunesse et incitation à la débauche, a entraîné des réactions violentes, saccages et casses dans certaines zones de Dakar et l’intérieur du pays. L’image des incidents qui ont suivi ce verdict, pour un individu qui a pu embraser par ses errements sexuels tout un pays en mars 2021, pour vouloir répéter le même coup en juin 2023, est celle d’un Etat qui semble démissionner dans ses prérogatives régaliennes. Peut-on accepter que des infrastructures soient saccagées, des routes bloquées par des groupes avec des pneus, des barrages de fortune, des magasins mis à sac, sans que l’Etat ne réponde de façon conséquente ? Dans quel monde sommes-nous pour que des maisons soient la cible de manifestants, appuyés de rebelles et délinquants, avec pour l’unique but de casser des adversaires ayant une opinion divergente ?
J’ai été sidéré de voir sur l’autoroute à péage, entre Thiaroye et la forêt classée de Mbao, les mêmes groupes bloquer le trafic, balancer depuis des maisons une pluie de pierres sur le péage. A chaque fois que le dispositif de gendarmes répondra adéquatement, un autre tronçon du péage sera bloqué. Des stations du Train express régional (Ter) ont été vandalisées et brûlées, des services publics mis à sac, sans que l’Etat, qui est supposé garantir la sécurité des personnes et des biens, ne hausse le ton et montre une réponse conséquente au désordre ambiant.

Si Ousmane Sonko, avec sa meute d’agitateurs de tous bords confondus, peut, en étant reconnu coupable de faits graves, narguer le pays et pousser des hordes de jeunes à casser du bien public, des propriétés privées et s’attaquer à des Forces de l’ordre, c’est parce qu’il pense transparaître dans la posture de notre Etat, une faiblesse et une lâcheté qui ne disent pas leur nom. On peut dès lors comprendre que les téléphones saisis de Ousmane Sonko révèlent des dépôts financiers conséquents que certaines grosses pointures du régime et hommes d’affaires lui auraient versés en guise de tribut pour combattre davantage l’Etat et tout ce que représente la gouvernance du Président Macky Sall.

La récréation a trop duré, ce pays a été fragilisé par un duel entre Batman et Joker qui a fini de transformer Dakar en Gotham. La fumée émanant des pneus brûlés, les rues vides, les groupuscules de bambins armés de pierres et de cocktails Molotov pour faire désordre donnent à notre pays une image hideuse. Le bordel du Sweet Beauté, ce sombre lupanar, aura souillé tout le Sénégal. La passivité de l’Etat sénégalais, pour ne pas faire régner l’ordre et laisser des germes du chaos, est dérangeante à plus d’un titre.

La responsabilité incombe au chef de l’Etat de rétablir l’ordre, quel qu’en soit le prix. Un pays, avec une République organisée et un Etat solide, lui a été confié, il n’a pas le droit de le laisser en lambeaux. Aux discours criant démocratie et injustice, ayant offert le terreau fertile à une défense de rupture pour un individu condamné pour corruption de jeunesse, je dirais qu’il ne peut y avoir de démocratie, de respect des libertés et de Justice si la violence et le chaos sont les maîtres-mots pour faire connaître une cause.

Le Président Macky Sall nous dit lors du dialogue national qu’il a lancé, qu’il ne laissera pas le pays ingouvernable, on attend de voir. Le simple citoyen que je suis a passé son après-midi et sa soirée à guetter des assaillants de son domicile familial. A ce que je sache, les tâches régaliennes n’incombent pas à de simples citoyens. On laisse les gens organiser leur protection, se mettre à un jeu d’arrestation de casseurs et pillards, on va ouvrir lentement, mais sûrement, une terrible boîte de Pandore. Quel pays !

Ces lignes sont celles d’un citoyen sénégalais meurtri par le désordre, l’incohérence des postures, la lâcheté des gens, l’indignation à géométrie variable, le constant révisionnisme des faits et cette disqualification de la vérité qu’un pays entier a embrassés de plein gré. Si le Sénégal flanche parce qu’un délinquant sexuel, reconnu coupable, aura tenu la dragée haute en utilisant la furie de la rue, et qu’un Etat se sera rendu incompétent et tatillon pour ne pas lui apporter la réponse, on peut se dire qu’on aura encore d’autres journées comme ça. Un autre citoyen se réveillera un jour, tordra le bras à la République et à la Justice, foutra en l’air notre stabilité nationale et détruira notre cohésion nationale pour ses simples désidératas. Le ras-le-bol est ambiant, tout le monde est épuisé par cette atmosphère de chaos orchestré.

Un ami me dit souvent que son grand regret de la gouvernance actuelle de ce pays est d’avoir laissé un fanfaron prendre en otage tout le monde et se draper du manteau d’un héros révolutionnaire que des générations futures pourront aduler, alors qu’il n’y a pas pire fraude. Par la cristallisation de toutes les aigreurs et contrariétés, en jouant sur la juxtaposition de haines, il aura réussi à détruire le Sénégal dans ses coutures d’union. Dommage que les mains d’en face, qui auraient pu arrêter ce cirque pour de bon, semblent trembler.
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn