Les rideaux sont tombés sur la Conférence régionale Médias et voix des migrants en Afrique de l’Ouest et du Centre, organisée du 6 au 8 septembre dernier par l’Unesco dans la capitale nigérienne (Niamey). Avec l’appui de l’Agence italienne pour la coopération au développement, elle a été le cadre pour discuter de l’impérieuse nécessité de la diversification du narratif journalistique en lien avec la migration pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.Par Pape Moussa DIALLO (De retour de Niamey) –

«Médias et voix de la migration en Afrique de l’Ouest et du Centre.» Sous cette thématique de la Conférence régionale tenue à Niamey du 6 au 8 septembre dernier, il a été question, selon le ministre de la Communication du Niger et chargé des Relations avec les institutions, Mahamadou Laoua­ly Dan Dano, de «mobiliser» les différentes parties prenantes pour «engager» la réflexion et «définir» les stratégies permettant de favoriser le développement en Afrique de l’Ouest et du Centre des narratifs diversifiés et une représentation inclusive de la mobilité humaine. Au regard de l’enjeu que représentent la migration et la gouvernance de la migration au service d’un développement inclusif et participatif, il est urgent pour l’Afrique de construire son propre récit adossé à ses réalités. Ce d’autant que, comme l’indique Mme Emilia Gatto, ambassadrice d’Italie au Niger lors de son allocution d’ouverture, «la migration est un phénomène complexe. Elle n’est pas pour autant une déviance». La diplomate italienne, qui s’est réjouie de la tenue de ladite Conférence régionale, n’a pas manqué de préciser que contrairement à la migration, «le terrorisme est une déviance». Pour elle, «les migrants sont des gens biens. Ils sont comme nous autres. C’est juste que ce sont des gens qui ont décidé, à un certain moment de leur vie, de faire un choix difficile qui peut parfois déteindre sur leur vie». Depuis plusieurs années, l’Italie, à l’instar d’autres pays européens, est engagée à soutenir ses pays partenaires comme le Niger, à lutter contre les causes profondes de l’émigration irrégulière. Ces appuis vont dans le sens de la création d’opportunités économiques permettant de fixer les jeunes chez eux. A en croire Emilia Gatto, «le chômage et le manque d’opportunités économiques pour les jeunes sont entre autres raisons qui les poussent à émigrer».
Vu la situation actuelle, le choix de la thématique de la conférence n’est pas fortuit. Un rapport récent de l’Unesco rendu public renseigne qu’il y a une faible diversité des narratifs dominés par la migration irrégulière dans les contenus médiatiques en Afrique de l’Ouest et du Centre. A cet effet, après trois jours d’échanges et de discussions intenses entre acteurs de différents horizons, Arnauld Ouédraogo, coordonnateur de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (Cenozo), a dit toute sa satisfaction. «Je suis sorti satisfait à l’issue de ces trois jours d’activité et l’espoir est permis au regard de l’importance des médias dans la gestion des questions migratoires», explique le patron de Cenozo. Selon lui, la conférence a «permis» aux professionnels et responsables de médias de «savoir» qu’ils «doivent» revoir le traitement de l’information en lien avec la migration tout en évitant, en tant qu’Africains, de traiter l’information sous le prisme européen.
Sandrine Ochou, fondatrice de «Ose Tv» en Côte d’Ivoire, est satisfaite. Mais, elle ne cache pas son scepticisme face à l’application des recommandations de la résolution de Niamey. «Les conclusions de la conférence ne doivent pas être rangées dans les placards. J’espère une application des recommandations qui sont issues de la conférence pour une meilleure diversification du narratif des contenus médiatiques en lien avec la migration», a-t-elle souhaité.

Des médias à la remorque
Il faut constater, pour le regretter, le fait que la couverture des migrations est «événementielle et réactive». «On observe une assertion plutôt négative du traitement médiatique de l’immigration, mais aussi une recherche accrue de sensationnalisme, qui s’explique en grande partie par une logique économique croissante inhérente au secteur médiatique. Les images choquent, les formules grandiloquentes et les titres racoleurs font vendre», explique Pr Marthoz. En plus, le raisonnement mercantile ne permet qu’une couverture restreinte du phénomène complexe de la migration.
Parmi les défaillances du traitement médiatique de la migration, le sociologue Erik Neveu souligne une uniformisation des discours. Selon lui, la standardisation des récits peut s’expliquer par «la dépendance» des journalistes vis-à-vis des agences de presse. Les con­traintes économiques inhérentes au secteur médiatique et la recherche de l’instantanéité dans la diffusion de l’information ne permettent pas toujours des déplacements sur le terrain. Il évoque un «journalisme assis» en opposition au journalisme de terrain. Le coordonnateur de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest, Arnauld Ouédraogo, n’y va pas par le dos de la cuillère pour dire que «les conditions dans lesquelles sont les médias africains font que très souvent, ils sont à la remorque de certaines puissances comme les institutions étatiques et internationales».