Bakary Signaté «comprend» les jeunes qui veulent rallier l’Europe, mais estime que les ressources pétrolières et gazières découvertes dans le pays devraient être un espoir pour eux. Le responsable apériste de Netteboulou, à Tamba, plaide aussi pour l’implication de la jeunesse dans les structures d’emplois.
Quelle lecture faites-vous de la recrudescence de l’émigration clandestine ?
A l’instar de bon nombre de Sénégalais, je suis choqué par l’ampleur des pertes en vies humaines. Je reste très préoccupé par la question de l’émigration clandestine. En réalité, elle concerne l’une des forces vives de notre pays, à savoir la jeunesse. Je ne m’attarderai pas sur les chiffres concernant les morts, d’autant que perdre même une seule vie est de trop. Je me pose plutôt moult questions au sujet de cette jeunesse dont la préoccupation, en cette veille de l’exploitation de différentes ressources découvertes dans notre pays, devrait être de mettre le focus sur la formation dans les métiers du pétrole pour pouvoir être utiles et répondre au profil de l’emploi au lieu de rêver d’un hypothétique eldorado. Malheureusement, ils n’ont pas mesuré ces opportunités et ont choisi de se lancer dans une aventure incertaine et suicidaire. Au total, ce phénomène ressemble plus à une aventure qu’à toute autre chose. Si aujourd’hui on parle de plus en plus de clandestin, c’est bien parce que le «légal» n’est pas à la portée de tous ; d’où la théorie du contournement de l’obstacle à défaut de le surmonter.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que c’est dû à une mauvaise politique de l’Etat en matière d’emploi des jeunes ?
A ceux qui accusent la politique de l’Etat en la matière, je voudrais leur faire un certain nombre d’observations. La question du sous-emploi touche tous les pays, y compris ceux développés. Le rôle d’un Etat est plus de favoriser la création d’emplois par des agents économiques tels les entreprises du secteur privé en améliorant surtout leur environnement. N’est-ce pas le sens de toutes ces structures créées par l’Etat, chacune avec sa mission pour stimuler le développement des entreprises de tous les secteurs, en particulier du privé, former certains jeunes potentiels demandeurs et renforcer les capacités de bien d’autres. L’inefficacité du dispositif en place n’est pas forcément synonyme de mauvaise politique, car il se trouve que plusieurs jeunes refusent des emplois au Sénégal qu’ils acceptent pourtant à l’extérieur. Aujourd’hui, la plupart des emplois sont désormais occupés par les jeunes autochtones. Ce qui signifie que la question de l’emploi est une préoccupation de tous les pays, sans distinction du niveau de développement. Certains jeunes déjà arrivés à destination choisissent de rentrer au pays pour s’y frayer leur chemin plutôt que d’y occuper certains emplois. Je ne suis donc pas sûr qu’il faille imputer la responsabilité à l’Etat tout seul. A la vérité, il s’agit d’une question transversale dont tous les acteurs doivent assumer leur part de responsabilité.
Quelles peuvent être les solutions à cette émigration clandestine ?
Ma conviction est qu’il n’existe pas de solutions meilleures toutes faites. Il faut privilégier l’approche situationnelle où les facteurs de contingence prennent toute leur importance. Un des objectifs des efforts de tout gouvernement reste de favoriser la création d’emplois directement ou indirectement. En d’autres termes, les nombreuses structures mises en place par l’Etat visent à favoriser la création d’emplois en abordant la question sous ses nombreuses facettes comme la formation, le renforcement de capacités, l’amélioration du climat des affaires, l’assouplissement et/ou allègement de certaines procédures.