Spécialiste des questions sécuritaires, Hamidou Samba Ba analyse les conséquences des violentes manifestations politiques et donne des recommandations face aux menaces sécuritaires. Y’a-t-il un lien entre le discours politique et la menace sécuritaire ?
Il y a un lien. La politique, c’est l’allocation autoritaire de valeurs. Lorsque ceux qui ont la légitimité populaire, opposition comme pouvoir, parlent et qu’il y a confrontation, il y a des conséquences au niveau sécuritaire. Ça remet en question tous les droits socio-économiques. Par exemple, les ambassades envoient des alertes à leurs ressortissants quand il y a des manifestations.
On ne peut pas gérer un mouvement de foule. Ça peut aller dans tous les sens. Et on a eu des cas où il y a mort d’homme. Oui, il y a des conséquences directes, ce qui fait qu’il y a des arrêtés pour restreindre les déplacements.
Les manifestations enregistrées, ces deux dernières années, peuvent-elles être une porte d’entrée pour les terroristes au Sénégal ?
C’est une possibilité. Le Général Diop disait lors du Forum paix et sécurité que le terrorisme est un élément déstructurant. Le terrorisme met à nu toutes les défaillances de l’Etat. Le terrorisme va augmenter la charge budgétaire de la sécurité. Il est à nos portes et les manifestations internes vont pousser les autorités à augmenter le budget des Forces de défense et de sécurité.
On sait que les terroristes veulent venir chez nous et ils cherchent des moyens qui peuvent servir de diversion. Les autorités sont assez préparées pour en tenir compte.
3 tonnes de cocaïne ont été saisies par la Marine sénégalaise. Quand on sait que c’est l’une des sources de financement du terrorisme, doit-on avoir peur ?
Le Sénégal ne doit pas avoir peur. C’est le jeu des terroristes. Le Sénégal doit être lucide et faire ce qu’il faut. Anticiper sur les menaces, travailler à les contenir à partir de ces foyers de départ. Que ça soit au Nord, vers la frontière avec la Mauritanie, et au Mali, et de surveiller, en interne, les réseaux qui s’activent pour faire en sorte que le Sénégal bascule. Le terrorisme a une particularité, il est transnational.
Le jeune, qui risque sa vie dans une pirogue ou qui emprunte le chemin du Nicaragua, n’est pas un risque pour le Sénégal ?
C’est juste une personne désespérée qui veut avoir de meilleures conditions de vie. Il y a une image que les gens se font de l’Occident, due aux médias, aux discours des migrants sur place. Les réseaux sociaux n’aident pas dans ce sens. C’est vrai que les candidats sont généralement des jeunes vulnérables, mais ils ont des perspectives d’avenir. C’est différent des jeunes qui n’essaient pas d’aller migrer parce qu’ils n’ont pas le minimum pour se payer la traversée. Une personne qui sort des millions pour rejoindre le Nicaragua est ambitieuse. Elle a d’autres perspectives que le terrorisme. Il ne faut pas penser qu’elle est bête.
Par contre, ceux que les terroristes recrutent n’ont pas cette perspective. Il faut aller au Tchad pour voir. Les jeunes, qui y sont recrutés, n’avaient même pas 100 francs la journée.
Le terrorisme, c’est de l’entreprenariat. El Shabab a recruté plus de 1000 personnes. C’est littéralement devenu une armée. Ils sont devenus comme des fonctionnaires. L’aspect idéologique a tendance à disparaître.