Depuis 2008, le Sénégal s’est doté d’une loi sur la promotion et le développement des Petites et moyennes entreprises (Pme). Elle instaure une discrimination positive pour les femmes entrepreneures qui doivent bénéficier de 15% de la commande publique. Seulement, dix ans après, seuls 7,9% des femmes connaissent cette disposition.
En 2008, le Sénégal a adopté une loi sur la promotion et le développement des Petites et moyennes entreprises (Pme). L’article 33 de cette loi instaure une discrimination positive à l’égard des femmes entrepreneures à qui 15% des marchés publics doivent aller. Dix ans après, Onu-Femmes a entrepris une évaluation de la mise en œuvre de cette disposition. Et selon le cabinet Kpmg qui a restitué hier les résultats de l’étude, «seuls 7,9% connaissent cette loi contre 86,8% des femmes entrepreneures qui ne la connaissent pas du tout». Selon Mme Dicko Seydi Diop, les femmes entrepreneures ignorent même très souvent quelles sont les règles de la passation de marché. 29% des femmes interrogées affirment ne rien en savoir, tandis que seuls 2,6% d’entre elles maîtrisent le processus. En outre, sur la question des modes de passation de marché, 36,8% ne les connaissent pas.
«Les femmes ne peuvent pas gagner de marchés publics. Pour le faire, il faut connaître le processus. Elles doivent savoir qu’il y a un portail des marchés publics qui répertorie les plans de passation de toutes les autorités contractantes», explique Mme Diop. Pour la directrice adjointe d’Onu-Femmes, Mme Oulimata Sarr, la situation au Sénégal est à l’image de ce qui se passe dans le monde. «Les chiffres mondiaux nous montrent que 1% seulement des femmes accède à la commande publique qui pourtant est très importante. On parle de milliards de dollars à travers le monde et quand on pense à développer l’entreprenariat féminin, la commande publique peut jouer ce rôle de catalyseur», souligne Mme Sarr.
Cette ignorance des règles de passation contribue à faire rater des opportunités aux femmes. «Elle empêche beaucoup de femmes entrepreneures de postuler à des marchés pour lesquels elles auraient pu avoir beaucoup de chances de succès», constate la consultante. Mais les garanties demandées ainsi que les difficultés rencontrées dans la rédaction des offres plombent davantage les possibilités pour les femmes entrepreneures de concourir dans les marchés publics.
«Les femmes entrepreneures sont confinées à des petits marchés, alors que dans nos pays, l’Etat est un gros acheteur de biens et de services», souligne également Mme Sarr.
En plus de l’ignorance de l’existence de la loi n°29-2008, les femmes entrepreneures sont confrontées à des problèmes de financement. 95% d’entre elles financent les activités de leur entreprise par fonds propres.
«En somme, l’enseignement majeur à retenir de cette étude, c’est que la seule définition de quotas dans les marchés publics ne semble pas être le moyen le plus approprié et le plus efficace pour stimuler la participation et l’accès des femmes entrepreneures à la commande publique», constate l’étude.
«Nous pensons qu’il est toujours important de faire un état des lieux pour les pouvoirs publics. Ce rapport nous permet de façon très synthétique de donner de l’information à notre gouvernement et de lui montrer les contraintes essentielles des femmes», indique Mme Sarr.
A cet effet, l’étude donne des recommandations pour corriger cette situation et permettre aux femmes entrepreneures de tirer profit de cette discrimination positive. La première de ces recommandations étant la révision du cadre juridique et réglementaire et la clarification du champ d’application de cet objectif. En effet, l’étude a permis de voir que la loi porte en elle-même les germes de son inefficacité dans la mesure où elle reste assez imprécise. «15%, est-ce que c’est sur le nombre de contrats attribués ou sur le coût global des contrats passés ?», s’interroge la consultante de Kpmg. Le cabinet d’audit recommande également la publication annuelle d’un rapport national sur le genre par l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) qui devrait être désigné de façon explicite comme étant en charge de veiller à l’atteinte de cet objectif de 15%.
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