Dans une analyse sans concession, l’ancien député Moussa Tine pointe du doigt les erreurs stratégiques du Sénégal dans le dossier des demandes d’extradition. Entre méconnaissance des procédures et discours diplomatique inadapté, il appelle à un retour à la vérité juridique.

La récente communication du ministère de la Justice sur les dossiers d’extradition est jugée «désastreuse» par Moussa Tine. Selon le juriste, l’approche actuelle des autorités sénégalaises nuit non seulement à l’image du pays, mais dessert également l’objectif visé en renforçant involontairement la position des personnes réclamées. Le point central de la critique de Moussa Tine repose sur la nature même de la procédure d’extradition. Au Sénégal comme en France, il s’agit d’une affaire prioritairement judiciaire avant d’être politique. En s’adressant directement à l’Exécutif français, le Sénégal semble ignorer deux principes fondamentaux. Moussa Tine rappelle que l’Exécutif français ne peut légalement pas s’immiscer dans une procédure pendante devant un juge. Il soutient que ce discours de Mme Yassine Fall laisse entendre, par effet de miroir, que le Sénégal serait capable d’obtenir de ses propres juges n’importe quelle décision à la demande de l’Exécutif.

La leçon de l’histoire : Habré et Assange
Pour Moussa Tine, l’extradition n’est pas une question de «rapports de force» ou de puissance étatique, mais une question de Droit. Il cite deux exemples majeurs pour illustrer la lenteur et la complexité de ces procédures : l’affaire Hissène Habré. «Malgré une pression internationale massive, la procédure a duré 16 ans au Sénégal. Il a même fallu que la Belgique saisisse la Cour internationale de Justice pour faire avancer le dossier», rappelle-t-il. Il y a aussi le dossier Julian Assange. La «toute-puissance américaine» a échoué pendant des années à obtenir l’extradition du fondateur de WikiLeaks, finissant par devoir négocier un accord de peine.

Un paradoxe diplomatique
Il souligne une certaine incohérence dans la posture sénégalaise. Alors que Dakar se plaint de deux demandes d’extradition encore en cours de traitement en France, la ministre de la Justice a elle-même confirmé que le Sénégal a déjà refusé quatre demandes émanant de la France.

Pour Moussa Tine, la «riposte» diplomatique du Sénégal ne serait légitime que si, après un feu vert de la Justice française, le Président français refusait de signer le décret d’extradition. Or, à ce stade, les procédures suivent leur cours normal devant les tribunaux. «Tous les textes, tous les principes et toute la jurisprudence, y compris sénégalaise, nous donnent tort», assène Moussa Tine. Il conclut en invitant les autorités à «ajuster» leurs réactions et à privilégier la vérité des textes pour éviter l’isolement diplomatique.