Portrait – Avocat des affaires : Me Moussa Star

Me Moussa Sarr est avocat d’affaires, au cabinet Mame Adama Gueye et associés. Très passionné par son métier, il se définit comme un défenseur des causes justes et des faibles. Me Sarr a marqué de son empreinte l’actualité judiciaire et médiatique durant cette année judiciaire. Avocat principal dans le procès de l’imam Ndao, conseiller des deux percepteurs municipaux, Mamadou Omar Bocoum et Ibrahima Traoré, dans l’affaire Khalifa Sall, c’est lui également qui a fait revenir l’Us Ouakam dans le championnat professionnel sénégalais de Ligue 1 de football alors que cette équipe avait été suspendue à 7 ans par la Fédération sénégalaise de football à la suite des incidents du stade Demba Diop. La quarantaine révolue, Me Sarr enchaîne les succès sur le terrain du droit et, par ricochet, engrange les retombées médiatiques. Il est bien déterminé à jouer les premiers rôles dans le barreau sénégalais. Portrait.
A quoi tient le sacerdoce d’un avocat ? En écoutant Me Moussa Sarr, on est tenté de répondre : au plaisir de défendre une cause juste ou encore de défendre les faibles. Mais à cela il faut ajouter un trait de caractère qui rend possible cet idéal : la passion. Cette force qui entretient une énergie positive à toujours faire le job, quel qu’en soit le prix. Car pour cet «acharné» du travail «être avocat c’est un engagement sociétal». Avocat d’affaires de formation et de pratique, la robe noire arrive par «effraction» au pénal, surtout lorsque ses proches le sollicitent. Ce qui l’a poussé à défendre imam Alioune Ndao, accusé de faits terroristes présumés, à défendre l’Union sportive de Ouakam dans le conflit qui l’opposait à la Fédération sénégalaise de football, à défendre également les deux percepteurs municipaux, Mamadou Omar Bocoum et Ibrahima Traoré, accusés de complicité supposée dans le dossier de la caisse d’avance de la ville de Dakar plus connu sous le nom de Affaire Khalifa Sall. Il a été conseil de Yavuz Selim Sa dans l’affaire Yavuz Selim, quand l’Etat a voulu mettre sous administration provisoire le groupe scolaire Yavuz Selim et le confier à la Fondation turque Maarif. En somme, des dossiers brûlants qui ont occupé l’actualité judiciaire et médiatique récemment. L’avocat, membre de l’Union internationale des avocats, s’est montré intraitable durant ces procès. Il a mené une véritable bataille juridique, en témoigne sa plaidoirie lors du procès de imam Ndao qui est, selon son confrère Me Mamadou Samb, «restée encore dans les mémoires».
Le conseil principal de imam Ndao était aussi présent sur le front médiatique. Il a organisé des conférences de presse pour dénoncer les attitudes d’une «certaine presse» qui, selon lui, «faisait les comptes rendus de faux procès-verbaux de la police». Le résultat, tout le monde le sait : «j’ai gagné le combat sur toutes ces quatre affaires», s’enorgueilli-t-il. Pour imam Ndao, la victoire a été plus belle. Obtenir un acquittement de tous les chefs d’accusation alors que le procureur avait requis con-tre son client 30 ans de prison ferme. Il y a de quoi s’en réjouir !
Mais ce qui étonne le plus, à part le dossier Yavuz Selim dans lequel il défendait les intérêts de Yavuz Selim Sa, l’avocat a accepté de plaider «gratuitement» les autres affaires. «J’ai refusé de me faire payer», fait-il savoir. Mieux dans l’affaire opposant l’Uso à la Fédération sénégalaise de football, «c’est moi-même qui ai payé mon billet d’avion et mes frais d’hôtel pour aller à Lausanne, au Tribunal arbitral du sport», renseigne-t-il.
«J’ai refusé de me faire payer dans les dossiers imam Ndao et autres»
L’explication, il faut la chercher dans les relations qu’il entretient avec ces personnes. Me Sarr réclame son appartenance à Ouakam, un quartier où il habite depuis plus de 10 ans avec sa famille. A propos du dossier des deux percepteurs municipaux, Mamadou Omar Bocoum et Ibrahima Traoré, il dit rendre service à un des percepteurs, son aîné à la Faculté de droit qui de surcroît est venu le solliciter. Et pour le cas d’imam Ndao, ils viennent tous les deux de la région centre de Kaolack.
Mais que chercherait un avocat en défendant des clients gratuitement ? Me Moussa Sarr répond : «J’ai fait le barreau par conviction, par engagement sociétal pour défendre des gens qui sont dans le besoin et quand je crois à une cause, je la défends jusqu’au bout.» En plus, soutient la robe noire, ses activités d’avocat d’affaires lui permettent de vivre décemment. Il souligne également qu’il n’est pas le seul avocat à plaider gratuitement, d’autres le font aussi.
Vu la nature de ces procès, il peut tout de même se réjouir des retombées médiatiques. Il a gagné sur le terrain du droit des procès à forts relents médiatiques qui ont fini de le placer sous les projecteurs. Par la force des choses, il s’est propulsé au-devant de la scène médiatique. Il est impliqué dans d’autres procès médiatiques. Il s’agit de celui opposant le jeune marabout libéral Serigne Assane Mbacké au député apériste Moustapha Cissé Lô, le dossier Grand Serigne de Dakar/Pierre Goudiaby Atépa. L’avocat ne s’en vante pas et précise qu’il ne cherche pas la notoriété. «Il y a des dossiers où il faut mener un combat judiciaire et médiatique», précise-t-il. Me Moussa Sarr jure que rien n’a changé dans sa façon de traiter les dossiers. Il rend grâce à Dieu d’avoir exercé le métier dont il a toujours rêvé. «C’est une bénédiction divine de défendre certaines causes mais aussi de gagner décemment ma vie», relève-t-il modestement.
Me Moussa Sarr n’était pas très connu des médias, c’est surtout l’affaire Yavuz Selim qui l’a révélé au public. Pourtant, cela fait 18 ans qu’il est avocat. Associé au cabinet d’affaires de Mame Adama Guèye et associés, il y a fait toute sa carrière et gravi les échelons : stagiaire, collaborateur et associé depuis 2006.
Ses proches le décrivent comme un «redresseur des torts». Lui-même l’affirme : «Je suis fondamentalement contre l’injustice.» Et cela depuis qu’il est tout-petit. Ce n’est donc pas par hasard qu’il est devenu avocat. «Très tôt, il a su ce qu’il voulait et s’est donné les moyens pour l’obtenir», soutient son cousin Cheikh Ndao, directeur de l’école Mour Diop. Une vocation qu’il a ainsi cultivée et entretenue depuis le lycée et l’université. «Ma passion a été toujours d’être avocat pour défendre les fragiles, les faibles, les démunis», insiste-t-il.
En tant qu’acteur de la justice, il donne un point de vue mitigé sur cette justice actuellement sous le feu des critiques. «Malgré quelques soubresauts et dysfonctionnements, le système tient la route», note le fils de Gamboul, un village situé à 18 kilomètres de Kaolack. En dépit des interférences du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, la robe noire reste convaincue qu’un magistrat au Sénégal, qui veut rendre une décision conforme à son âme et conscience et à la loi, peut le faire. Et s’il y a des sanctions, après ? Sa réponse est claire : «On peut affecter tout le monde.»
Un juge de la liberté et de la détention pour contrecarrer
le tout-puissant procureur
Mais au-delà de cette question d’indépendance qui agite la justice, l’ancien président de l’Association des jeunes avocats du Sénégal plaide pour sa modernisation. Il réclame le renforcement de la justice en termes de moyens humains, matériels et de formation continue. «Le droit évolue et il y a de nouvelles disciplines et pour rendre une justice de qualité, il faut des magistrats bien formés et de manière continue», clame celui qui fut membre du Conseil de l’Ordre des avocats. Aussi, appelle-t-il de tous ses vœux des changements. Il pointe du doigt certains des textes «obsolètes» à l’image de celui relatif à l’offense au chef de l’Etat qui est d’un autre âge.
Mais le changement le plus urgent, à ses yeux, demeure l’instauration d’un juge de la liberté et de la détention. Une manière de contrecarrer la toute-puissance du ministère public. «Il faut qu’on arrête dans ce pays, en 2018, de permettre à un parquetier d’amener qui il veut sous n’importe quel prétexte en prison», plaide-t-il. L’avocat nous renvoie aussi aux délits douaniers. Des textes qui «étouffent» l’activité économique. «Devant un Pv de douane, le juge n’a d’autre alternative que de vous envoyer en prison», révèle-t-il.
Situation politique délétère et inquiétante
Commentant la situation politique du pays, l’avocat décrit une situation délétère et inquiétante. Il dit percevoir les germes futurs d’un contentieux électoral lourd de dangers qui peut impacter la paix sociale. Pour lui, la responsabilité majeure incombe au régime en place. «Il doit travailler pour faire renaître la confiance entre les acteurs, en mettant en place des règles de jeu libres et transparentes pour nous permettre, au lendemain des élections, d’aller travailler», suggère-t-il. A l’opposition également, il dit ceci : «Si l’opportunité se présente, elle doit travailler à cela pour ce pays. Car, personne n’a le droit de brûler ce pays.»