La junte au pouvoir en République de Guinée a annoncé sa volonté de suspendre sa participation à l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs). C’est via un communiqué que les militaires, qui s’essaient au jeu de l’exercice du pouvoir politique à Conakry, ont signifié leur volonté de sortir de l’Omvs. Les arguments ne manquent pas aux hommes en treillis. Ils disent «constater avec regret que les préoccupations et intérêts stratégiques de la participation de la République de Guinée ne sont toujours pas pris en compte par ladite organisation, depuis sa création». Au-delà du populisme d’une telle déclaration et sa déconnexion avec la réalité et les accomplissements d’une organisation sous-régionale agissant dans un rôle pivot dans la gestion de l’eau potable, de l’électricité et l’agriculture dans notre sous-région, on ne peut qu’être outré par autant de désinvolture de la part du pouvoir militaire guinéen. La schizophrénie de la junte malienne à Bamako, qui la pousse à dépeindre la Minusma comme le char de Hadès, aurait-elle atteint Conakry ? L’Omvs est la nouvelle cible pour foncer à tombeau ouvert sur l’autoroute de l’isolationnisme. Un retrait de la Cedeao, dans un court ou moyen terme, serait sûrement la prochaine étape dans ce jeu de surenchère et d’escalade.

Omvs – La Guinée annonce son départ : La junte nage à contre-courant

La junte guinéenne prétexte un «retard considérable dans le financement du barrage électrique de Koukoutamba» (région de Labé) et la sous-représentativité de ses ressortissants dans l’organisation. Le Colonel Doumbouya exige que son pays ait des places dans les instances de décision de l’Omvs et que les projets de son pays soient appuyés de façon prioritaire. Exigence pour exigence, le Colonel Doumbouya s’intéresse-t-il à l’état des cotisations de son pays dans une organisation perfusée par les injections du Sénégal, au risque de frustrer des frères et voisins ! Quel intérêt peut-il tirer à vouloir fragiliser l’Omvs et casser une dynamique communautaire faite de coopération sincère, d’entraide et d’appui dans la gestion d’une ressource qui se raréfie, qui est dorénavant source de conflits et est à la source d’intenses tensions ?

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Le Sénégal se plaisait l’année dernière, par la voix du Président Macky Sall, au plus fort de la tension entre l’Egypte et l’Ethiopie et pendant sa présidence de l’Union africaine (Ua), à présenter l’exemple de l’Omvs pour faciliter la gestion du Nil. Un léger survol des conflits autour des cours d’eau partagés montre que le fleuve Sénégal et le fonctionnement de l’Omvs en font une belle exception et un modèle abouti de coopération entre des nations voisines sur la gestion de l’eau. Le Colorado n’est-il pas source de frictions entre les Etats-Unis et le Mexique, avec les grands barrages établis sur ce cours d’eau ? La Turquie n’a-t-elle pas irrité la Syrie et l’Irak dans le cadre de son programme Gap pour la modernisation de l’Est du pays en récupérant la majorité des eaux du Tigre et de l’Euphrate ? Quel reproche peut-on trouver à une organisation qui a réussi le pari de la maîtrise et de la mise à disposition d’une eau douce en quantité pour générer tout un écosystème profitant aux pays membres, au point d’être moteur dans leur développement ?

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Le Haut-commissariat de l’Omvs, depuis l’annonce des autorités guinéennes, tente, dans une posture conciliante, de rapprocher les points de vue et chercher à apporter des réponses aux frustrations et courroux de la junte. C’est dans un esprit positif, conforme au fonctionnement de l’organisation qui, depuis 1972, aura toujours misé sur le dialogue et l’entente pour éviter des prises de tête qui pourraient avoir des conséquences fâcheuses auprès de populations, dont la cohabitation a toujours été harmonieuse. Dans une ère où le vice veut partout supplanter la vertu, c’est un dangereux jeu que de surfer sur des supposées frustrations pour casser des dynamiques communautaires et jouer la carte de la victime lésée pour faire accepter une fuite en avant ayant d’autres objectifs.

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C’est sous le prisme d’un coup de sang irresponsable que la décision de la junte guinéenne, risquant de saboter la survie de l’Omvs, peut être perçue. Décision d’autant plus incompréhensible qu’elle vient au moment où la navigabilité sur le fleuve Sénégal est le défi que se fixe l’organisation de coopération sous-régionale, pour davantage encourager le brassage des peuples et les échanges de biens entre des communautés que tout lie, et une ressource vitale en partage pousse à vivre d’une façon des plus harmonieuses. Les pères fondateurs n’auraient pas songé au cauchemar qui fait qu’après cinquante ans d’existence, les démons de la division s’inviteraient à l’Omvs, de surcroît à l’initiative du pays où le fleuve Sénégal trouve sa source. C’est dire le drame de ce temps et tout le mal que font des apprentis dirigeants. Allons-nous voir la Guinée dévier le cours du fleuve ou fermer sa source comme représailles contre l’Omvs ?

Les successions ont le risque d’impliquer dans la gestion des Etats des aventuriers qui s’invitent par effraction aux commandes des destinées communes et foulent aux pieds tout ce qui fait sens. Détricoter est leur art, sur des bases fallacieuses, populistes et irresponsables. Remettre en cause les visions de pères fondateurs et faire dévier des nations de leur trajectoire lucide sont leur seul apport. Il est regrettable qu’ils veuillent laisser leur nom à l’histoire, par l’immensité des dégâts qu’ils auront causés.

Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn