Lorsque nous nous «battions» dans l’espace universitaire à travers des débats contradictoires en tant qu’étudiants socialistes et que nos adversaires nous considéraient comme des «vendus politiques» d’une part, et les professeurs comme des «officines» du parti dominant d’autre part, c’était pour un idéal démocratique, c’est-à-dire le socialisme comme seule alternative aux turpitudes du capitalisme. En tant que mouvement historique, nous pensions que le socialisme était la seule réponse à trois aspirations.

La première aspiration concerne la construction d’une démocratie accomplie, c’est-à-dire comment promouvoir une démocratie sociale où les droits et libertés seraient réels et effectifs pour tous, y compris les ouvriers, employés et paysans.

La deuxième aspiration est relative à la maîtrise de notre devenir collectif, c’est-à-dire comment organiser notre société pour que l’homme ne devienne pas un loup pour l’homme au sens du philosophe Hobbs. Autrement dit, une jungle où les puissants aux plans économique et financier détruiraient les autres.
Enfin, la troisième aspiration a trait à l’humanisation de notre société, c’est-à-dire veiller à ce que les nouvelles révolutions technologiques soient mises au service du progrès social, de la culture et de la démocratie participative. Nous pensions qu’une fois les besoins fondamentaux satisfaits pour le plus grand nombre, le socialisme devrait s’orienter vers l’amélioration de la qualité de la vie, le développement durable, la défense de l’environnement et surtout la prise en compte des générations futures. Au-delà de ce cadre de vie, nous pensions que l’émancipation culturelle, économique de l’humain passait, à n’en pas douter, par une civilisation du temps libre, c’est-à-dire permettre à chaque être humain d’avoir accès non seulement au bien-être, mais aussi au bien-vivre, c’est-à-dire subordonner l’économie à l’épanouissement des hommes et des femmes.

Le constat aujourd’hui est que malgré les cent cinquante ans d’existence du socialisme, les trois aspirations qui constituent son substratum conservent leur acuité. Il ne faut surtout pas omettre que les partis socialistes et socio-démocrates ont une longue expérience politique et une capacité d’adaptation.
Toutes les générations de socialistes se sont tenues aux cotés des exploités et des opprimés, et toutes ont demandé à répondre à ces trois aspirations fondamentales. Qu’il s’agisse du socialisme marxiste et révolutionnaire de Jules Gueds, du socialisme humaniste de Jean Jaurès et de Léon Blum ou du socialisme réformiste, un dénominateur leur est commun : la satisfaction de la condition humaine dans sa totalité.

C’est cela le socialisme, c’est ce sillon qu’il faut continuer à creuser. C’est au nom de cet idéal démocratique et de ces aspirations que les socialistes, au-delà des contradictions secondaires, doivent poursuivre ce long combat pour la consolidation, le développement de la démocratie par l’extension des droits et libertés des individus en tant que citoyens et en tant que travailleurs. L’unité des forces socialistes serait, à n’en pas douter, comme le déclare le Président François Mitterrand, d’«apporter espérance et espoir à l’humanité», et surtout éviter ce que Julien Dray craint : «Que le parti socialiste ne devienne squelettique.»
Kossoro CISSOKHO
Docteur en Droit
Spécialiste en Administration publique
Certifié de l’Institut international du droit de développement de Rome