Les débats d’audience ont permis hier de se faire une idée de ce que deux des co-accusés d’imam Alioune Ndao ont fait dans les infractions qui leur sont reprochées. Ils ont été versatiles dans leurs propos en avouant, sans le vouloir, leur rôle dans le jihadisme. Morceaux choisis de l’audition de Mohamed Ndiaye et Ibrahima Diallo par la Chambre criminelle hier.

Mohamed Ndiaye, maçon de profession, marié et père de 3 enfants
«J’étais en Mauritanie où j’ai fait la connaissance d’une personne. Quand je parlais avec cette personne, elle m’a dit qu’elle avait emprunté le portable qu’elle avait. Mais comme je disposais plus de moyens qu’elle, je lui ai promis de lui acheter un portable. Après, elle a été arrêtée. Et quand je lui ai appelé pour lui dire de venir chercher le portable que je lui ai promis à la place appelée Clinic, elle m’a dit qu’elle ne connaît pas les lieux. Je lui ai expliqué et elle est venue en compagnie de la police qui m’a arrêté. Les policiers m’ont demandé de leur montrer où j’habite. On m’a arrêté avec Lamine Coulibaly, Moustapha Mbaye, Moustapha Diallo et Mamadou Seck.
A Richard-Toll je m’y rendais parce que j’y avais acheté un terrain pour y habiter. (… ) J’ai des amis parmi les accusés. Ils faisaient partie de ceux qui assisté à la réunion de Rosso.
C’est Moustapha Diop qui m’a dit de vendre mon terrain pour aller en Syrie. Je devais me rendre là-bas pour apprendre le Coran. J’ai appris qu’il y a des personnes qui se rendent au Nigeria. C’est pourquoi je me suis rendu dans ce pays. Et c’est mon ami Ibrahima Ba qui m’a remis les frais de transport. C’était dans le but de mieux connaître ma religion que je suis allé au Nigeria. Je n’ai jamais commis de violence. C’est Ibrahima Ba qui a financé mon voyage. Nous étions 3 et Ibrahima nous a donné chacun la somme de 150 mille francs. Au Nigeria, nous étudions le Coran à Abalam, à Goza et Surbizam. On m’a dit que c’est l’islam qui est pratiqué dans ces zones. Je ne savais pas que ce sont des zones occupées par des terroristes. C’est Mohamza qui m’a conseillé d’y aller. Il est présentement en Syrie.
Je ne suis pas allé pour combattre aux côtés de Boko haram. Je n’ai pas subi de formation militaire. On nous a amenés dans la forêt de Kita. J’étais parti pour étudier le Coran et je me suis retrouvé dans une zone de guerre. Ce n’était pas facile. Ils sont venus nous prendre en moto. Je ne les connais pas, mais ce sont des combattants de Boko haram. Il y avait des Sénégalais au Nigeria. Il s’agissait de Lamine Coulibaly, Abou Moussa, Ibrahima Mballo, alias Abou Amar, Abou Zikfarou.
Je n’ai rien étudié au Nigeria. Il y avait des bombardements tout le temps. C’est Mactar qui est venu nous chercher. Il nous a amenés dans un autre village. C’est Mactar qui nous a payé le billet du retour.
J’ai vu Abdourahmane Mendy une seule fois au Sénégal. Il est parti après moi. Je travaillais là-bas et à un moment, j’ai su que j’étais recherché. Ainsi, je m’en suis ouvert à Moussa Diop. Il m’a conseillé de sortir du pays parce que les autorités cherchent à nous arrêter tous. Et au retour, je suis passé par le même chemin que j’avais pris à l’aller. Je suis passé par Kaolack.
Je connais Moustapha Diallo alias Abou Dar Dar. C’est lui qui m’a montré le maniement des armes. Je connais Ibrahima Dieng. Il a été touché par un obus à Fatchem où j’étais sur place. (…) Au premier combat, il avait dit qu’il a pris peur, c’était à Goza et il a tiré des rafales. Je ne connais rien de Moussa Mbaye. En plein combat, les avions larguaient des bombes.
Avant je savais conduire, c’est pourquoi je n’ai pas eu des difficultés pour conduire des chars de combat légers. Je regrette d’être impliqué dans le djhadisme qui m’a causé beaucoup de préjudices, j’étais influencé par des amis.»

Ibrahima Diallo, élève né en 1990 à Grand Yoff, marié sans enfant
«Je ne reconnais pas les faits. J’ai été arrêté chez moi à Keur Massar. Je savais pourquoi j’ai été arrêté parce que je revenais du Nigeria. Je ne connais pas imam Ndao. En 2012, j’ai pris part à une réunion à Lac Rose. J’ai pris part à cette réunion pour voir comment gérer le daara dont j’avais la charge.

Voyage au Nigeria
J’étais en Mauritanie, je travaillais et étudiais. Un certain Zeid Ba m’a contacté pour me demander de me rendre au Nigeria. On s’était rencontré dans une mosquée. Il m’a expliqué que des gens y vont et qu’il devait s’y rendre. Il m’a dit que c’est la Charia qui est de rigueur là-bas. Je lui ai dit de me soutenir pour aller vivre cela. Je voulais voir si ce qu’il disait est vrai. Plusieurs fois, je l’ai repoussé, mais il m’a dit que je pouvais y trouver du travail.
On nous a logés dans une maison où nous apprenions le Coran. A Ibadan, il n’y avait pas de combat. Nous sommes restés là pendant deux mois et ils sont venus nous récupérer pour nous amener ailleurs. Nous n’avons pas subi de formation. C’est Abou Amin qui nous donnait à manger. J’ai vu Mactar Diokhané là-bas. J’ai fait mes études à Koki et à Diourbel.

Son retour au Sénégal
C’est suite à des divergences que nous avons été conduits, Samba Kane et Moussa Mbaye, Malang Oumar et moi, chez Shekau. Il nous a dit qu’il a entendu nos disputes. Il avait appris nos querelles tout simplement. C’est Shekau qui nous a fait appeler.
Ils nous ont demandé de déchirer nos cartes d’identité et nos passeports pour pouvoir sortir. Ainsi, Diokhané est allé négocier avec Shekau. Les négociations avaient duré et c’est après que Diokhané nous a remis des billets pour le retour.
A mon retour, j’ai vu la femme de Mactar Diokhané de mes propres yeux. Diokhané m’avait remis de l’argent. Je suis descendu au croisement Keur Massar. C’est la dame qui m’a dit que Mactar a été appréhendé. Coumba Niang m’a dit que Mactar ne lui a pas laissé de l’argent. Quelques jours après, Coumba m’a appelé pour me remettre 44 billets de 500 euros. Je ne savais pas d’où l’argent provenait. Mactar m’avait dit qu’il allait me donner de l’argent à mon retour. (…)
Quand j’ai reçu l’argent, Niang m’a appelé pour me dire de remettre à Latyr 4 millions de francs. Le reste de l’argent, je l’ai confié à imam Ndao. J’étais sur la route du voyage en attendant mon retour de la Gambie. Je lui ai remis à peu près 7 à 8 millions de francs. Je lui ai aussi prêté 1 million de francs. J’ai rencontré imam Ndao trois fois. La première fois, c’était pour solliciter des prières parce que j’étais malade. La deuxième fois, c’est Mactar Diokhané qui m’a demandé d’aller lui chercher un gris-gris. Et la 3e fois, c’était pour lui remettre de l’argent. (…)»