Publication des chiffres du rapport : LA COUR DÉMACKYLLE LES COMPTES

L’audit de la Cour des comptes sur la situation globale des Finances publiques, en particulier l’exécution du Budget général et des Comptes spéciaux du Trésor ainsi que l’endettement et la trésorerie, présentée dans le rapport du gouvernement, couvrant la période 2019-mars 2024, a mis à nu plusieurs anomalies.Par Dialigué FAYE –
Tant attendu, le rapport de la Cour des comptes est finalement publié hier. Dans le document, les magistrats de l’institution de contrôle ont embouché la même trompette que le Premier ministre, Ousmane Sonko qui, en présentant le rapport de l’Igf, en septembre 2024, a qualifié de «falsification» des chiffres de l’économie par le régime de Macky Sall.
Sur l’endettement, par exemple, la Cour des comptes relève que «l’encours de la dette est supérieur à celui affiché dans les documents de reddition. L’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire s’élève à 18 558,91 milliards de francs Cfa au 31 décembre 2023, et représente 99,67% du Pib. L’encours de la dette bancaire au 31 mars 2024 et les charges futures (intérêts et autres frais à payer) s’élèvent respectivement à 2517,14 milliards de francs Cfa et 302,61 milliards». La Cour renseigne ainsi que «le remboursement de l’encours de la dette d’un montant de 2517,14 milliards par des crédits budgétaires réduit les marges de manœuvre budgétaires de l’Etat. Les charges financières de la dette bancaire à payer, d’un montant de 302,61 milliards, auront une grande incidence sur les budgets à venir compte tenu de leur volume et de la durée des échéances». Durant la période sous revue, le déficit affiché par le gouvernement est inférieur à celui reconstitué par la Cour. Elle fait état d’un taux de 12,30% contre 4,90%, soit un écart de 7,40% ; l’octroi d’une avance de trésorerie d’un montant de 204,58 milliards de francs Cfa non régularisée.
Les travaux de la Cour, note le rapport, ont permis de constater «une dette bancaire importante non retracée dans la comptabilité publique ; un service de la dette bancaire élevé ; une gestion de la dette à travers des comptes bancaires mouvementés sur ordre du ministre chargé des Finances».
Une situation non exhaustive de la dette garantie
Le rapport sur la situation des Finances publiques fait état d’une dette garantie d’un montant de 535 milliards de francs Cfa. Ce montant est différent de celui communiqué à la Cour par le ministère de l’Economie, du plan et de la coopération et le ministère des Finances et du Budget. Les conventions de garantie signées par le ministre de l’Epc, d’un montant de 1645,61 milliards de francs Cfa, concernent des projets phares, notamment dans le secteur de l’énergie.
Plus de 15 milliards dans le compte du Trésorier général
La Cour des comptes a aussi décelé que le «Trésorier général a procédé le 29 décembre 2023, à partir de son compte règlement ouvert à la Bceao, à un virement d’un montant de 15 milliards de francs Cfa dans le compte n°80130730000 ouvert à son nom dans les livres de la banque B.A. Ce virement positionné le 2 janvier 2024 est transféré le même jour dans le compte n°80080030000 ouvert au nom de l’Etat du Sénégal dans la même banque et géré par le ministre chargé des Finances. Le montant est aussitôt utilisé pour payer des dépenses non autorisées au profit de divers fournisseurs».
Les vérificateurs de l’organe de contrôle ont remarqué par ailleurs, qu’un «reliquat de 114,4 milliards de francs Cfa de l’emprunt obligataire (Sukuk Sogepa) de 2022 n’a pas été versé au Trésor public». Le Trésor public, selon la Cour, «n’a reçu que 90 milliards par virements successifs faits le 16 mai 2022 pour 30 milliards, le 19 mai 2022 pour 40 milliards et le 14 juin 2022 pour 20 milliards de F Cfa. Ainsi, le reliquat de 157 338 615 804 n’est pas reversé au Trésor public».
Interpellé, «le ministre des Finances et du budget précise que la situation du Sukuk de 247,3 milliards de F Cfa se présente ainsi qu’il suit : 132,9 milliards effectivement encaissés par le Trésor dont 90 milliards après l’émission, 13,2 milliards reçus via le crédit relais remboursé à Ecobank et 29,774 milliards (sur le montant de 31 milliards) mobilisés pour le remboursement d’un crédit relais de la Bis contracté en 2021».
114,4 milliards du produit du Sukuk exécutés hors des comptes bancaires du Trésor.
Par nature d’opération, la décomposition du montant de l’émission est résumée ainsi : opérations de trésorerie pour 58,3 milliards dont 29,774 milliards encaissés par le Trésor ; opérations budgétaires pour 189,034 milliards dont 103,15 milliards encaissés par le Trésor.
Le ministre conclut en indiquant que «le montant exécuté en dehors du circuit Trésor est de 114,4 milliards dont une partie (28,52 milliards) est une opération de trésorerie».
Toutefois, la Cour constate que les justificatifs relatifs à cette opération de trésorerie ne sont pas produits.
En définitive, la Cour considère comme gap de trésorerie affectant le déficit le montant de 114,4 milliards de francs Cfa non reversé au Trésor.
155 milliards dépensés sans couverture budgétaire
La Cour constate, dans la comptabilité générale de l’Etat, l’alimentation du compte CAP Gouvernement pour un montant de 155 milliards de francs Cfa sans couverture budgétaire.
Le ministère des Finances et du budget précise que le montant de 155 milliards est imputé par erreur dans le compte au moment du basculement en 2023 sur le nouveau Système intégré de gestion des comptes de dépôt (Sigccd). Le relevé du compte de dépôt est joint pour attester qu’aucune dépense n’a été imputée sur ce montant et que la trésorerie de l’Etat n’a pas été affectée par cette erreur.
La Cour relève, cependant, que toutes les ressources portées au crédit du compte de dépôt CAP Gouvernement figurant au journal des opérations d’ordre à la date du 15 septembre 2023 sont entièrement consommées et aucune écriture d’annulation n’a été effectuée.
En définitive, ces décaissements irréguliers d’un montant total de 481,42 milliards de francs Cfa doivent être déduits du surplus de financement annoncé de 604,7 milliards de francs Cfa, ce qui ne laisse qu’un reliquat de 123,28 milliards de francs Cfa.
dialigue@lequotidien.sn