«L’heure semble donc venue de procéder à un changement de paradigme, à travers entre autres mesures, l’autonomisation du Csm et l’instauration de la procédure d’appel à candidature, qui permettront à cet organe d’assumer sa mission, au mieux des intérêts de la Justice et des justiciables.» Cette déclaration faite hier lors de l’atelier de réflexion de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) autour du thème «Etat de droit et indépendance de la justice : Enjeux et perspectives de réformes» montre la préoccupation des acteurs pour l’indépendance de la Justice.
De l’avis du président de l’Ums (Union des magistrats du Sénégal), on peut s’interroger sur la tenue de cette rencontre sur le thème  de l’indépendance de la Justice, qui a fait l’objet de plusieurs séminaires. Mais il faut savoir que «notre système judiciaire est confronté à bien d’autres difficultés qui méritent notre attention», dit-il.  Souleymane Téliko en veut pour preuve «la  question de la détention, l’engorgement des prisons, la célérité dans le traitement des affaires, l’état des locaux de nos juridictions».
Pourtant sur ces nombreuses préoccupations, rappelle-t-il, l’Ums a déjà organisé des activités scientifiques qui ont donné lieu à des échanges fructueux et ont permis de renforcer la capacité des praticiens qu’ils sont. Mais aujourd’hui, si les magistrats insistent  autant sur la thématique de l’indépendance de la Justice, «c’est bien parce que nous avons pris l’exacte mesure des enjeux de  cette thématique», a-t-il fait savoir.
D’après le président de l’Ums, «le service public de la Justice peut, certes, souffrir de dysfonctionnements liés au manque d’équipements, de locaux ou de personnel, il n’en perdra pas pour autant, nécessairement, sa crédibilité. Mais dès lors que, aux yeux du public, elle donne l’impression de manquer d’impartialité ou d’indépendance, la Justice perd une bonne partie de ce qui fait sa force : la confiance des justiciables». Ce qui l’amène à dire que «sans une indépendance garantie et assumée, la Justice perd en crédibilité et en autorité». Il reste convaincu que «ce n’est pas la force qui fait la justice, mais plutôt la justice qui fait la force». Ainsi, M. Téliko invite chaque magistrat et acteur de la justice à travailler à préserver «ce lien de confiance» qui, à son avis,  est un devoir pour chacun.  «Ce «nous» s’adresse, en premier lieu, aux acteurs de la Justice qui doivent adopter, en toute circonstance, une posture de neutralité et incarner la figure de tiers impartial et désintéressé.  Ce «nous»  s’adresse, aussi, aux décideurs et responsables de tous bords, qui doivent tout mettre en œuvre pour préserver la respectabilité de l’institution judiciaire et, le cas échéant, l’ajuster aux standards modernes d’une Justice indépendante et impartiale», dit-il.
L’Etat de droit est une œuvre jamais achevée et une conquête de tous les jours, remarque-t-il en outre en rappelant que «le pays a franchi bien des paliers à travers la consécration de droits et libertés dans des domaines aussi cruciaux que  ceux de la liberté de la presse ou le pluralisme politique».
Le diagnostic fait par les acteurs de la Justice au sujet du Parquet et qui  est régulièrement conforté par la pratique judiciaire, poursuit-il, «révèle que la subordination à l’autorité politique, sans distinction entre attributions administratives et judiciaires, fait peser sur cette entité et, par ricochet, sur  la justice tout entière, un soupçon permanent de collusion et d’instrumentalisation, préjudiciable à l’image  et  à l’autorité du Pouvoir judiciaire».
Le président de l’Ums trouve aussi nécessaire de réformer le Conseil supérieur de la magistrature qu’il qualifie de clé de voûte de l’indépendance  de la Justice «au regard de l’inadéquation entre la mission qui lui est assignée et ses règles d’organisation, de composition et de fonctionnement».
L’intérêt de ce séminaire, indique Souleymane Téliko, «tient moins au contenu des propositions de réformes, qu’à la nécessité de sensibiliser sur leurs enjeux qui dépassent, de loin, le cadre professionnel des magistrats». D’après lui, les magistrats ont la ferme conviction que la mise en œuvre de ces réformes aura le triple avantage de faire gagner la Justice, en crédibilité, les citoyens, en sécurité, et l’Etat de droit, en solidité.
Au terme de ce séminaire, les représentants de l’Ums ont  fait une déclaration finale de concert avec la Chambre des notaires, la Société civile (Forum civil, Lsdh, Africa Jom Center, Amnesty international, Crjs, Ancj) pour dire que l’indépendance de la Justice est une exigence  de l’Etat de droit et une garantie des droits des citoyens. Car l’image de la Justice est de plus en plus écornée du fait de la perception négative que les justiciables ont de certaines affaires. Préoc­cupés par les récentes attaques violentes contre les symboles de l’institution judiciaire, notamment ses édifices et son personnel et soucieux de restaurer la confiance des justiciables en la Justice, gage de sécurité, de stabilité et de paix sociale, ils adhèrent pleinement aux conclusions dudit comité.