Henri Moucle est un Martiniquais né en Métropole, à Paris, à la veille de la Seconde guerre mondiale. Actuellement, «il donne libre cours à ses premières amours en faisant une poésie de témoignage qui se veut à la fois hymne à la France et aux figures du monde noir qui y ont excellé en l’enrichissant». Son œuvre «Chant du Black Paname» fait l’objet du premier titre de la collection «Poètes des Afriques et d’ailleurs» initié par le poète et universitaire Thierry Sinda.

L’éminent poète, Thierry Sinda, auteur du drame poétique Voyage en Afrique à la recherche de mon moi enivré, paru aux Editions Atlantica, vient de lancer une collection Poètes des Afriques et d’ailleurs dans la continuité de son festival Printemps des poètes. Cette collection, explique-t-il, «est ouverte à tous les poètes du monde». Le premier titre s’intitule Chant du Black Paname de Henri Moucle. «La présente collection est une généreuse réponse aux légitimes demandes insistantes des habitués du Festival de tous horizons. Elle s’oriente de manière plus qu’ouverte vers la publication d’ouvrages d’hier et d’aujourd’hui de poètes des Afriques et d’ailleurs œuvrant par la dextérité de leur plume à la construction d’un monde fraternel et pluriel», informe Thierry Sinda. L’auteur de l’Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’ailleurs, (Orphie 2013) précise également que cette nouvelle collection est le pendant sous forme d’écrits de la vivante manifestation du festival Printemps des poètes des Afriques et d’ailleurs qu’il a fondé en 2004 à Paris. «Au cours de plus d’une décennie de festival, donnant naissance et abritant le mouvement littéraire de la néo-négritude, j’ai pu constater – avec bonheur – l’extrême vivacité et la grande qualité de la poésie des Afriques d’aujourd’hui allant de la mer des Caraïbes à l’Océan indien en s’arc-boutant sur l’Afrique-mère pour accoucher d’une poésie de langue française engagée, mémorielle, identitaire et fraternelle», écrit-il.
Dans Chant du Black Paname (poésie) suivi de Le cocotier irascible (petit conte poétique) et paru aux éditions Delatour, M. Sinda présente à la fois Henri Moucle et son œuvre. Il remet ainsi au goût du jour avec une lumière assez éclairante les textes de ce «poète noir montmartrois» qui, pour lui, est, il faut le reconnaître, «incontestablement une curiosité». La poésie de Henri Moucle se veut en effet «être un témoignage de vie et d’émotion». L’on peut d’ailleurs s’en apercevoir en (re)lisant le poème Créolités montmartroises qui revêt tout comme son texte liminaire, Fonts baptismaux, un caractère d’autodéfinition de l’auteur. «Dans son texte liminaire Fonts baptismaux, le poète Henri Moucle nous dévoile le grand souffle montmartrois plein de fées artistiques qui l’ont nourri et façonné à la mode existentialiste d’antan («l’existence précède l’essence»)», écrit dans sa préface Thierry Sinda pour qui Fonts Baptismaux est également le texte inaugural et fondateur de l’identité, de la sensibilité artistique de Henri Moucle.

Moucle le Montmartrois
Evoquant les souvenirs partagés avec Moucle, Thierry Sinda rappelle également dans sa préface qu’à la voix des poètes de la Négritude parisienne des années 40 et 50 (Damas, Césaire, Senghor, Birago Diop, Jacques Rabémananjara, Guy Tirolien, Jacques Roumain, Flavien Ranaivo, Bernard Dadié, Martial Sinda, David Diop, Paulin Joachim, Viderot Mensah Tous­saint, Annette Mbaye d’Erne­ville…) répondait celle singulière de Henri Moucle, lequel se glisse d’emblée, avec son recueil de poèmes rétrospectif écrit au 21e siècle dans le mouvement littéraire de la néo-Négritude parisienne qu’il a initié en 2004, en plein cœur de Belleville (Paris 11e ) et du Quartier de Bonne-Nouvelle (Paris 2e ) dans le cadre du Printemps des poètes des Afriques et d’ailleurs. Aussi, en baptisant son recueil Chant du Black Paname, Henri Moucle, précise-t-on, fait indéniablement un clin d’œil appuyé à deux recueils de poèmes marquant du mouvement littéraire de la Négritude. «Chant du Black Paname renvoie à Chants d’ombre de Léopold Sédar Senghor (Seuil, 1945) et à Black label de Léon Gontran Damas (Galli­mard, 1956)», relève M. Sinda.
Ce poète franco-congolais qui s’honore de la présence une quinzaine d’années durant de Moucle au festival de poésie dont il est l’initiateur précise également que cet aîné, «bien qu’étant né dans les années 1940, s’inscrit tout à fait avec ses poèmes rétrospectifs dans l’optique de la néo-Négritude de la plupart des membres qui se réunissent depuis quatorze ans au sein du Printemps des poètes des Afriques et d’ailleurs  et qui sont aujourd’hui des quinquagénaires». Ce sont entre autres : Marie-France Danaho, Ferdy Ajax, Romuald Chery, Denis Chevalier, Enide Darius Gordien, Amadou Elimane Kane, Léopold Kongo Mbemba, Frdey Jaoffera, Francine Ranaivo, Habib Osmani, Houria, quelques autres et lui-même.
Evoquant par ailleurs l’œuvre de son «ami», M. Sinda mentionne que ces poèmes monolithiques forment des blocs qui abolissent visuellement la notion de strophe. «C’est en se plongeant dans la substance sémantique et sonore du texte que le lecteur, qui est en l’occurrence un déchiffreur, reconstitue, non pas les strophes primaires du poème, mais des strophes en fonction de son rythme, de son souffle, de son intérieur. S’il n’est guère aisé d’inscrire sa poésie dans des formes fixes classiques existantes, sans risque de flirter avec la ‘’rimaillerie’’, il est aussi ardu de créer ses propres formes, tel un acrobate sans filet. Ce fut indéniablement le grand défi poétique conscient ou inconscient de Moucle», ajoute-t-il. Au niveau de la métrique, Moucle, selon son déchiffreur, croise et mélange allègrement : alexandrins et vers libres et octosyllabes et vers libres. «La modernité de sa poésie transparaît également dans le fait de s’être affranchi des rimes classiques contraignantes», analyse Sinda. Au niveau thématique, il fait savoir que se poète fabrique des «poèmes biographiques et événementiels» pour reprendre les dénominations de la poétesse de la néo-Négritude Houria.
La poésie de Moucle, croit-il savoir, relève de «l’enchevêtrement et de l’obsessionnel. Les deux notions étant interdépendantes». En somme, pour Thierry Sinda, fils de son célèbre père Martial Sinda (premier poète congolais), «le poète Henri Moucle réunit avec brio tous les ingrédients du mouvement littéraire de la néo-Négritude où il brille en célébrant le Montmartre de son enfance et les grandes figures noires et métissées qui ont jadis illuminé et défendu la France». En ce sens, écrit-il, «il fait un beau travail de revalorisation et de mémoire».

Qui est Thierry Sinda ?
Thierry Sinda est enseignant-chercheur en littérature et sciences humaines, journaliste, critique de cinéma au magazine Amina, fondateur de la revue La Feuille (première revue panafricaine de cinéma de France), secrétaire général de l’Asso­ciation des amis de René Maran, et président du mouvement Union pour la nouvelle France qui œuvre pour une meilleure représentation de la diversité en France. Au cours de ces vingt-cinq dernières années, il a écrit de nombreuses études sur le mouvement de la Négritude en le (re)définissant. En 2004, il initie le mouvement littéraire de la néo Négritude et fonde le festival Printemps des poètes des Afriques et d’ailleurs, parrainé de manière inaugurale par le poète Jacques Rabéma­nanjara (Grand prix de la Fran­cophonie de l’Académie française en 1988), puis à sa mort, en 2005, par le poète Martial Sinda, son père (premier poète de l’Afrique Equatoriale Française en 1955 avec son recueil Premier chant du départ publié aux éditions Seghers, lequel fut honoré par le Grand prix de l’Afrique Equatoriale Française en 1956). Depuis 2007, il est le délégué général de la Société des poètes français. Il est l’auteur d’une thèse de doctorat sur le mouvement littéraire de la Négritude (2000), du recueil de poèmes Voyage en Afrique à la recherche de mon moi enivré (Atlantica-Séguier, 2003) et de l’Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’ailleurs (préfacée par Abdou Diouf, George Pau-Langevin et Jacques Rabémananjara, éditions Orphie, 2013).
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