En diffusant des premiers films de réalisateurs africains, le programme itinérant «Quartiers Lointains» révèle les futurs grands talents du cinéma, et donne à voir une autre image du continent.

Mardi dernier, la salle parisienne du MK2 Beaubourg rassemblait un bel échantillon de «VIP» du cinéma africain dans la capitale française. Parmi eux, des réalisateurs (Alain Gomis, multi-récompensé pour son film Félicité…), des journalistes (Africultures, L’Afro…), des associatifs (Cine wax…), et même l’écrivain, Alain Mabanc­kou. À l’écran n’étaient pourtant diffusés «que» des courts métrages, un format peu répandu dans les circuits de distribution traditionnels. Oui mais des courts métrages africains, et pas seulement d’Afrique de l’Ouest, d’où sont issus la plupart des films connus en Europe, et réalisés par les futurs grands du continent.
Le programme itinérant «Quar­­­tiers Lointains», créé en 2013 par la journaliste spécialisée Claire Diao rejointe par le réalisateur Atisso Médessou puis l’auteure et réalisatrice documentaire Caroline Blache, répond à une frustration. «Lors­que je chroniquais des films africains pour Courrier Inter­na­tional ou le Bondy Blog, les lecteurs me disaient souvent : «Ça a l’air très bien, mais on peut les voir où ?»», explique Claire Diao. «De grandes œuvres, il y en a sur le continent, mais les écrans manquent pour les diffuser. Nous voulions aussi mettre en avant des réalisateurs qui méritent d’être exposés.»

Nouvelles pousses
Chaque année, «Quartiers Lointains» façonne un programme de courts qui, additionnés, durent le temps d’un long métrage. Puis le donne à voir en France, aux Etats-Unis et dans plusieurs pays africains (régulièrement le Sénégal, mais également l’Algérie, le Rwanda, le Bénin, le Burkina, le Nigeria,…) où l’association Siniman Films, qui chapeaute le projet, travaille avec des acteurs locaux. Il y a aussi un temps de défrichage pour repérer les nouvelles pousses prometteuses du septième art. Et pour l’heure, les «ex­perts» de «Quartiers Lointains» se sont rarement trompés. Ils ont misé sur Rachid Djaïdani (avant son long métrage Tour de France), Wallid Matar (qui termine actuellement la post-production de son premier long), Cédric Ido (La vie de château), Alice Diop (avant son César du meilleur court-métrage pour Vers la tendresse)…
«L’idée c’est aussi de donner une autre image du continent, souligne Claire Diao. Nous montrons les genres les plus variés possibles, donnons à entendre d’autres langues que les langues coloniales, d’autres problématiques dans des pays qui dépassent le périmètre de l’Aof. Paradoxalement, les spectateurs viennent en pensant que tout ça est très loin d’eux… et repartent en se sentant directement concernés.»

Des toilettes dans le désert
Contrecoup de cette sélection très large, se côtoient des films parfois fauchés, très «premier degré», et des œuvres totalement maîtrisées, souvent réalisées par des cinéastes formés dans les grandes écoles du continent. De fait, cette année, pour la «saison quatre» du programme, on retient le très kafkaïen court de l’Egyptien Omar El Zohairy (passé par le High Cinema Institute du Caire), ou comment un éternuement lors de l’inauguration de toilettes publiques en plein désert fait basculer le destin d’un fonctionnaire. Et l’incroyable Kanye Kanye, sorte de Roméo et Juliette survitaminé, parabole aux couleurs saturées de l’apartheid, par le Sud-Africain Miklas Manneke (film de fin d’études à l’Afda).
Prochaine étape ? «Avec un peu plus de moyens, nous aimerions permettre aux réalisateurs d’assister aux projections», lance Claire Diao. Auto-financée, sa structure réalise un travail plus audacieux que beaucoup d’associations subventionnées. «Nous souhaitons rester auto-suffisants, mais la porte reste ouverte aux mécènes !» Le message est lancé.
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