Selon le rapport intérimaire publié par le groupe de recherche interdisciplinaire Gri-Covid 19-Arces, le confinement total ne semble pas être la meilleure stratégie du moment. L’Etat doit plutôt se focaliser sur comment améliorer la communication, la sensibilisation des masses populaires afin de susciter leur adhésion à la lutte, la massification du dépistage, le traçage des cas en vue d’un confinement et d’une prise en charge ciblée. Sans oublier que le respect strict de toutes les mesures barrières édictées jusqu’ici (dont le port du masque) et l’évaluation rigoureuse de leur impact s’imposent.

Le confinement est un débat agité par plusieurs experts médiaux pour endiguer le virus, mais il a un coût social et économique. En cas de confinement total au Sénégal, l’année 2020 connaîtrait une récession économique de -9,9% par rapport au Pib de 2019, c’est-à-dire 1 485 milliards de baisse du Produit intérieur brut, d’après les estimations du groupe de recherche interdisciplinaire Gri-Covid 19-Arces. Dans son rapport, il estime qu’à titre de comparaison, la Banque de France prévoit pour l’économie française une récession de -1,5% par quinzaine de confinement ; ce qui correspond à -3% pour un mois, mais avec un taux d’activité de 32%, et pour l’année 2020 une récession de -9% est prévue. Le document établi par plusieurs Professeurs de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) va plus loin en ajoutant que dans un scénario de confinement total d’un mois, le Sénégal se retrouverait à -9,9% de récession avec un taux d’activité de 33,64%. La perte fiscale serait de 297 milliards ou 7,4% du budget 2020, d’après le rapport intérimaire de ce groupe de travail. «Le secteur informel subirait une perte de revenus de 594 milliards. Le coût économique total d’un mois de confinement total pour le Sénégal serait supérieur à 2 485 milliards Cfa (16,56% du Pib) et aurait son corollaire en termes de chômeurs, d’augmentation de la pauvreté et d’instabilité sociale et politique», à en croire ces scientifiques.

Protection des personnes âgées et porteuses de
comorbidité
Par ailleurs, les scientifiques annoncent que l’économie sénégalaise, qui espérait réaliser un taux de croissance de 6,8% à la fin de cette année, pourrait en faire seulement 3%. Et, disent-ils, le tourisme, les transports aériens, l’hôtellerie et la restauration sont les branches les plus affectées. Mais aussi, les transferts des émigrés sénégalais sont en chute et plus de risques vont peser sur les investissements étrangers. Par ailleurs, des conséquences sociales graves, prédit le document, vont affecter le secteur informel qui représente 96,4% des emplois. Face à la situation actuelle, ce secteur risque de générer un chômage massif et plus de pauvreté, lesquels vont favoriser la propagation de pathologies diverses, selon le rapport. Ce dernier a élaboré quelques recommandations. Pour les 1 000 milliards de francs Cfa du Plan de résilience économique et sociale, le secteur informel et le secteur agro-sylvo-pastoral doivent mériter une attention particulière. «La stratégie d’industrialisation doit être basée sur la capacitation des petites unités de production de biens permettant la satisfaction des besoins essentiels des populations. Elle est transposable dans tous les autres pays africains. Et pour cette raison, elle doit être pensée dans un cadre régional. Ensuite, en plus de l’industrialisation, il faut aussi accroître l’investissement dans la gestion des risques et dans la protection sociale», suggèrent les auteurs du rapport.
Compte tenu des éléments sus évoqués, le Gri pense qu’un confinement total n’est pas pertinent dans la situation actuelle au Sénégal. L’Etat doit d’ailleurs alléger certaines mesures de restriction collective. En lieu et place, les autorités doivent œuvrer à la promotion de manière rigoureusement les mesures barrières individuelles qui peuvent être efficaces et suffisantes, si elles sont bien suivies. Aussi le groupe pense qu’il semble sage de généraliser le port de masques barrières de qualité avec une bonne communication ciblée sur leur fonction et leur bon usage, et aussi d’évaluer de façon dynamique leur impact ainsi que celui des autres mesures de lutte entreprises. En outre, le Gri-Covid 19 est d’avis qu’il conviendrait de mieux protéger les groupes à risque, notamment les personnes âgées et porteuses de comorbidité avec un système de confinement adapté à leur situation, le pic épidémique étant prévu entre mi-mai et début juin 2020 après modélisation. Parmi les stratégies qui doivent être de mise pour plus d’efficacité, souligne le groupe, il y a la stratégie du dépistage massif. «En effet, du fait d’un dépistage plus massif, l’Allemagne a 20% de plus de cas confirmés en densité que la France (267 par million d’habitants contre 216) au total. Si on élargit la comparaison aux pays asiatiques que sont la Corée du Sud, Taiwan et Singapour, ayant pratiqué un large dépistage, la France présente une densité de décès 14 fois supérieure à la moyenne (16,4 vs 1,2 par million d’habitants)», compare le document.