Les députés européens ont adopté jeudi une résolution très critique vis-à-vis de Kinshasa. Les parlementaires demandent à l’Union européenne de conditionner une éventuelle participation au financement des élections à la mise en place de «mesures concrètes démontrant la volonté politique manifeste d’organiser les élections le 23 décembre 2018».
Dans leur résolution, les députés européens ont dressé un sombre tableau de la situation en RDC. Ils ont ainsi rappelé que «l’année 2017 a été l’une des plus violentes» dans le pays, avec des poches de violence qui perdurent au Kasaï, au Nord et au Sud-Kivu. Sur le plan politique, ils ont «vivement déploré que les élections ne se soient pas déroulées avant le délai qui avait été fixé à fin 2017», comme le prévoyait à l’origine l’accord de la Saint-Sylvestre signé en décembre 2016.
Situation politique
Après plusieurs mois d’attente, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a finalement reporté les élections au 23 décembre 2018, soit deux ans après la fin théorique du deuxième mandat de Joseph Kabila.
«Seules des élections crédibles constitueront un moyen de sortir de la crise», estiment les parlementaires. Le texte «invite l’Union européenne à subordonner tout financement électoral à la mise en place, par le gouvernement congolais, de mesures concrètes démontrant la volonté politique manifeste d’organiser les élections le 23 décembre 2018, y compris notamment la publication d’un budget électoral réaliste ainsi que de garanties relatives à l’ensemble des droits fondamentaux et des libertés pour tous les partis politiques et les organisations de la société civile».
Le texte voté par les eurodéputés tance également le régime de Kinshasa, en dénonçant «le harcèlement systématique des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’Homme». C’est le cas notamment du mouvement Filimbi et des activistes de la Lucha, dont plusieurs membres ont été arrêtés à l’occasion des manifestations du 31 décembre dernier. «(Le Parlement européen) invite les autorités congolaises à libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers d’opinion», insiste la résolution.
Situation sécuritaire
Autre inquiétude du Parlement européen : «Les éléments de preuve fournis (…) en particulier par le rapport d’enquête de la Fédération internationale des droits de l’Homme (Fidh) sur les massacres au Kasaï.» Des violences dont certaines auraient été préméditées et planifiées par les forces de sécurité congolaises et des miliciens affidés au pouvoir, selon l’Ong.
Les députés invitent aussi l’Union européenne «à envisager d’utiliser des moyens supplémentaires», notamment par le biais de l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Adopté en 2000 par l’Union européenne et les pays africains, il prévoit des «mesures appropriées» en cas de non-respect par l’une des parties des droits de l’Homme ou des principes démocratiques.
«Il peut aussi s’agir de mesures conservatoires applicables à des projets et programmes de coopération en cours ou de la suspension de projets, de programmes et d’autres formes d’aide», précise le Conseil européen.
Cinquième résolution sur la RDC en un an
Lors du débat parlementaire, certains députés ont laissé entendre leur lassitude sur la récurrence des résolutions autour de la situation en RDC. De fait, celles-ci n’ont aucune portée contraignante sur la conduite des affaires étrangères de l’Ue. Le texte voté par les parlementaires en fait d’ailleurs mention, dès son préambule, évoquant ces nombreuses résolutions précédentes, notamment celles «du 7 octobre 2010, du 23 juin 2016, du 1er décembre 2016, du 2 février 2017 et du 14 juin 2017».
«J’en ai assez des dénonciations et des condamnations qui ne trouvent pas d’écho auprès du Président Kabila et de sa kleptocratie, a déclaré dans l’Hémicycle le député espagnol Javier Nart. Il y a des choses que l’on peut faire avec l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Or, on n’utilise pas cet article.»
Parmi les Etats membres de l’Ue, seule la Belgique semble pour l’instant avoir opté pour une ligne dure, en envisageant de nouvelles sanctions à l’égard des responsables du régime.
Dans un communiqué diffusé le 10 janvier, le gouvernement belge a déclaré «mettre fin à une série d’interventions qui devaient être mises en œuvre directement par les autorités congolaises». Ces financements qui s’élevaient à 25 millions d’euros seront affectés «au profit de l’aide humanitaire et d’autres initiatives répondant aux besoins les plus pressants de la population».
Le vice-Premier ministre congolais en charge des Affaires étrangères, Leonard She Okitundu, avait alors vertement réagi en évoquant «une coopération (déjà) réduite à des interventions humanitaires ponctuelles, pour ne pas dire philanthropiques, paternalistes ou missionnaires, rappelant une certaine onomastique (sic) de notre Etat lors d’épisodes sombres de son existence au 19e siècle».
Jeuneafrique