Au cours d’un exposé lors des Journées théâtrales de Carthage tenues à Tunis, le Pr Ousmane Diakhaté de l’Ucad s’est employé à démontrer comment le théâtre se pratiquait sur un continent comme l’Afrique, qui n’a pas attendu la colonisation pour se prêter à un tel exercice. Cet événement artistique et culturel arabo-africain, a enregistré la présence de dizaines de troupes théâtrales, de conférenciers et d’autres corps de métier du quatrième art.Par Alioune DIOP
– A Tunis, le professeur titulaire de classe exceptionnelle des universités, Ousmane Diakhaté, était dans son élément. Puisque le théâtre, qui est une de ses matières de prédilection dans les amphithéâtres, était au menu de son exposé lors des Journées théâtrales de Carthage. Et l’universitaire a pu expliquer devant son auditoire, comment le continent africain s’est employé à faire du théâtre avant que la colonisation ne s’installe sur cette partie du monde.
«Quel théâtre pour un monde en crise -le déclin du théâtre- et le théâtre, art de paradoxes.» C’est ce thème qu’a développé Ousmane Diakhaté, professeur titulaire des universités de classe exceptionnelle. Durant son intervention assez large, il a mis l’accent sur le théâtre négro-africain, qui a une très longue histoire. Contrairement à ce que pensent certains avec une vision superficielle, que c’est un théâtre qui est né au XXème siècle, avec la colonisation. «L’Afrique n’a pas attendu la colonisation pour faire du théâtre. Dire que le continent a connu le théâtre à partir de son contact avec l’Europe, est une mauvaise interprétation de notre histoire dramatique», a-t-il martelé, tout en reconnaissant que l’Europe a créé une discontinuité et a dévié la marche du théâtre africain. L’enseignant-chercheur à l’Ucad s’est appuyé sur le théâtre francophone, qui est né au lendemain de la colonisation pour étayer son argumentaire.
«Si on analyse bien, les Africains ont développé d’autres formes théâtrales pour répondre à cette rupture, dont ils ont été victimes en tant que colonisés», dit-il, en expliquant qu’avec la dimension académique qu’il a connue plus tard, le théâtre africain avait commencé à se faire avec des jeux d’acteurs basés sur le texte. «Ce qui ne correspondait pas à notre tradition d’oralité», souligne l’ancien Directeur général du Théâtre national Daniel Sorano. Avant de poursuivre : «C’est l’Europe qui nous a amenés à faire du théâtre à partir d’un support textuel. Dans le théâtre traditionnel, tout était improvisé. Il y a aussi la question de la rupture linguistique. C’est la langue du colonisateur qui est utilisée et ce nouvel angle d’expression de théâtre dû à une situation de colonisés, a coupé court avec le théâtre de masse que les Africains connaissaient jusque-là.» Ainsi, il souligne la disparition du caractère populaire, qui cède la place à un théâtre d’élite, un théâtre de lettres, c’est-à-dire seuls ceux qui étaient scolarisés, pouvaient prétendre suivre une pièce théâtrale.
Dans les développements de son propos lors du colloque, Pr Ousmane Diakhaté a mis l’accent sur la période post-indépendance, où notre théâtre a connu une autre rupture avec de nouvelles formes théâtrales conformes à la nouvelle situation de l’Afrique indépendante. Il explique que la thématique était la même, c’est-à-dire réhabiliter les personnalités africaines, la culture africaine déformée par le colon et donner aux populations, des modèles de comportement respectueux.
Pour terminer, celui qui a été président du centre sénégalais de l’Institut international du théâtre, a fait allusion à la situation actuelle du théâtre africain. Et Pr Diakhaté de déclarer : «Tout se passe comme si les jeunes dramaturges, qui sont nés après les indépendances, ont un autre point de vue sur l’Afrique. On se rend compte que leur préoccupation, c’est de désafricaniser et proposer des thèmes plus universels, et de placer l’homme dans son universalité. Tout ce qu’ils veulent, c’est prendre en compte la condition humaine, sans tenir compte de son appartenance géographique.» Des propos que Ousmane Diakhaté a tenus, avant de rappeler que le théâtre n’a pas de patrie.
Les Journées théâtrales de Carthage se sont déroulées du 4 au 12 Décembre 2021, à Tunis. Cet événement artistique et culturel arabo-africain a enregistré la présence de dizaines de troupes théâtrales, de conférenciers et d’autres corps de métier du quatrième art. Le colloque qui a démarré le 7 Décembre, a pris fin le 9 décembre dernier.
Correspondance particulière