Règlement intérieur de l’Assemblée : Les «Sages» «sucrent» les articles clés

En censurant 4 dispositions-clés, le Conseil constitutionnel réaffirme son rôle de gardien de la Constitution, veillant à ce que l’Assemblée nationale n’outrepasse pas ses prérogatives. En effet, la mesure phare qui consistait à entendre les magistrats par les députés est fortement encadrée. Par conséquent, ils enlèvent à l’Assemblée toute possibilité de juger les juges ! Par Malick GAYE –
C’est un nouveau camouflet : le Conseil constitutionnel a statué sur la conformité de la loi organique n°09/2025 portant modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale après saisine du président de la République, pour examiner la conformité à la Constitution de cette loi organique.
Cette réforme visait à moderniser le fonctionnement de l’Hémicycle et à renforcer le contrôle parlementaire, notamment via les commissions d’enquête. Cependant, quatre dispositions ont été censurées pour non-conformité à la Constitution. Il s’agit de l’article 56, alinéa 2, qui autorisait le président de l’Assemblée nationale à recourir à la force publique pour contraindre une personne à comparaître devant une commission d’enquête. Le Conseil a estimé que cette mesure restreignait des libertés, au-delà de ce que permet la Constitution, violant le principe de séparation des pouvoirs. Les «Sages» ont toutefois précisé que la comparution de magistrats en exercice devant une commission d’enquête reste possible, mais uniquement sur une base volontaire et pour des questions liées à l’organisation du service public de la Justice, excluant toute affaire judiciaire en cours ou passée. Le ministre de la Justice doit également être consulté au préalable.
En ce qui concerne l’article 57, alinéa 4, qui permettait à une commission d’enquête de saisir directement le procureur de la République en cas d’infraction constatée, le Conseil l’a invalidé. Les «Sages» ont rappelé que cette prérogative relève exclusivement de l’Exécutif, et qu’une commission parlementaire ne peut se substituer au Parquet.
Pour l’article 60, alinéa 6, qui concernait la radiation d’un député, le Conseil a jugé qu’elle contrevenait aux exigences constitutionnelles, probablement en lien avec les droits des parlementaires.
Par rapport à l’article 111, alinéa 6, interdisant le retrait d’une motion de censure une fois déposée sous certaines conditions, le Conseil l’a jugé inconstitutionnel car la Constitution n’impose pas une telle restriction.
Et enfin, l’article 134, relative à la Haute cour de justice, a été censurée pour avoir omis des conditions liées au renouvellement de ses membres, en contradiction avec les exigences constitutionnelles.
Adoptée le 27 juin 2025, cette réforme du Règlement intérieur visait à moderniser le fonctionnement de l’Assemblée nationale et à renforcer son rôle de contrôle sur l’Exécutif. Parmi les objectifs affichés, figuraient la clarification des procédures de levée d’immunité parlementaire, le remplacement du président de l’Assemblée, le retour des ministres devenus députés et le renforcement des pouvoirs de la commission d’enquête parlementaire. Elle était une priorité pour le Groupe parlementaire Pastef, qui y voyait un moyen de consolider le Pouvoir législatif face à l’Exécutif.
Cependant, la censure partielle par le Conseil constitutionnel constitue un revers institutionnel pour El Malick Ndiaye et les promoteurs de la réforme. Les dispositions invalidées, notamment celle renforçant les pouvoirs des commissions d’enquête, ont été perçues comme une tentative d’élargir l’influence du Législatif au détriment des autres pouvoirs, en particulier le Judiciaire. Et une cassure entre la séparation des pouvoirs.
Sur les 136 dispositions du Règlement intérieur, 132 ont été validées par le Conseil constitutionnel, certaines assorties de réserves d’interprétation, comme pour l’alinéa 5 de l’article 56 où le Conseil a autorisé l’audition de magistrats par les commissions d’enquête, mais sous des conditions strictes très encadrées : la comparution doit être volontaire, limitée à des questions administratives et soumise à l’accord préalable du ministre de la Justice. Et c’était sans doute le principal enjeu de ce nouveau Rian.
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