C’est parti pour 10 jours de prières ponctués de récitals de Coran. La 83e édition du Daaka de Médina Gounass démarre officiellement ce samedi 27 avril 2024. Durant dix jours (du 27 avril au 6 mai), Médina Gounass va refuser du monde. En effet, le site situé à quelque 10 kilomètres de la cité religieuse de Médina Gounass (département de Vélingara) sera le point de convergence de milliers, voire de millions de pèlerins vénus recueillir des prières et bénédictions. Le «pèlerinage», pour ces fidèles venus des quatre coins du pays, de la sous-région et au-delà, ne sera pas sans difficultés, du fait notamment de la forte canicule qui règne dans la zone et les conditions d’habitation pas toujours confortables.

Par Alpha SYLLA (Envoyé spécial au Daaka)  – Absent de ce rendez-vous prestigieux depuis plusieurs années, Moussa Keïta, plus connu sous le nom de Thierno Keïta, se réjouit de participer, cette année, à ce grand évènement religieux qui s’ouvre officiellement ce samedi 27 avril. Originaire de la commune de Sinthiang Koundara, ce talibé est venu, ce mercredi 24 avril, avec ses camarades, construire leur hangar qui servira d’habitation à tous les pèlerins de leur village. Dans un coin de l’aile-ouest du Daaka, ils fixent, sous un soleil de plomb, des piquets et élèvent un toit sous lequel ils comptent vivre ce moment de dévotion et de prières. «Nous sommes venus préparer notre résidence. J’ai raté beaucoup d’éditions. Mais Dieu a fait que cette année, je suis là pour vivre le Daaka», affirme-t-il, tout ému. Comme lui, nombre de fidèles sont venus constater, nettoyer l’endroit et ériger leur campement, généralement constitué de paille et de bois. Des huttes…, mais qui commencent à disparaître depuis l’incendie ravageur qui a eu lieu il y a quelques années sur le site.

A quelques encablures de-là, vers l’entrée principale, les habitations se modernisent petit à petit. Sur les chantiers, des fidèles posent les toitures en paille sur des poteaux en béton. D’autres, plus stables financièrement, ont tout simplement mis des toits en zinc soutenus par des poteaux en béton.

Retraite spirituelle
En prolongeant vers la mosquée, centre d’exaltation de Dieu durant le Daaka, l’on aperçoit des membres du comité d’organisation du Dental Daaka. Cette entité chargée d’organiser ce grand évènement religieux s’échine à «finir le travail avant l’heure». Très dévoués, ils ne montrent aucun signe de lassitude malgré la canicule. Sous l’ombre clément du toit de la mosquée, Mansour Sy et Cie installent les bâches, lampes, micros, baffles et autres matériels nécessaires pour accueillir les pèlerins lors des prières obligatoires et/ou surérogatoires, et les récitals de Coran. Interrogé sur le niveau d’organisation de cette 83e édition du Daaka de Médina Gounass, ce membre du Dental Daaka affiche un optimisme quant à l’avancement des préparatifs de l’évènement. Casque vissé à la tête, t-shirt estampillé Comité Dental Daaka, Mansour Sy affirme que l’essentiel des points de l’organisation ont été satisfaits. «Nous préparons cet évènement depuis le mois de Ramadan. En ce moment, on peut dire que 90% des points ont été accomplis», déclare-t-il, non sans appeler à une augmentation du soutien de l’Etat.

Modernisation à pas de caméléon
«Depuis deux ans, l’Etat du Sénégal nous prête cent bâches pour chaque édition. Mais ces bâches sont insuffisantes…

Et à la fin du Daaka, nous les rendons au niveau du ministère de l’Intérieur», déclare Mansour Sy. Selon ce membre du comité d’organisation du Daaka, le niveau de modernisation souhaité de l’événement n’est pas encore effectif. «Les gens construisent des huttes parce qu’ils n’ont pas d’autres moyens… Au moment où je vous parle, il y a des campements qui n’ont ni paille ni bâche pour construire leurs hangars», fustige Mansour Sy, tout en appelant l’Etat du Sénégal à poursuivre ses efforts de moderniser le Daaka.

Aux retards de modernisation, s’ajoute le problème lié à l’approvisionnement en eau. Avec un seul forage, la distribution du liquide précieux dans les différents campements constitue l’autre écueil face aux milliers de personnes venues d’horizons divers. Nombre de pèlerins déplorent la non-disponibilité de l’eau dans leur campement, qui les dispense parfois de faire certaines activités ou pire, de faire leurs prières.

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Habitué de ce grand rendez-vous religieux, Tidiane Sané pense que l’édition de cette année a accusé du retard dans l’organisation. «On peut dire que c’est timide cette année. Parce que, jusqu’à présent, des routes ne sont pas encore grattées». Casquette bien posée sur la tête, lunette de soleil, Tidiane explique le retard évoqué par «le changement de régime juste avant la tenue du Daaka». Pour lui, la nouvelle équipe gouvernementale n’a pas eu suffisamment de temps pour préparer l’événement religieux.

Activités économiques
Mais le Daaka de Médina Gounass n’est pas que prières et récitals de Coran. C’est aussi et surtout une source d’opportunités pour nombre de personnes qui exercent des activités lucratives. Entre le commerce des branches de bambou, de bois ou encore celui des bottes de paille, certains se frottent déjà bien les mains, en attendant la cérémonie officielle prévue aujourd’hui. C’est elle qui consacre le début d’un évènement aux dimensions spirituelle, économique et humaine extraordinaires. Les pèlerins, au-delà de l’aspect spirituel auquel ils sont très attachés, s’adonnent à des activités économiques telles que la vente de matériels agricoles, de moto, de friperie, de remèdes médicinaux ou encore d’autres produits à usage domestique.

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Par ailleurs, les femmes n’étant pas admises au Daaka, ce sont les hommes qui s’organisent entre eux et par campement pour cuisiner et assurer d’autres services-maison. Mais cette situation de cuisines à ciel ouvert cause souvent des incendies, avec des explosions de bonbonnes de gaz, qui font d’énormes dégâts matériels et parfois humains.

Pour rappel, le Daaka, qui signifie campement en langue mandingue, a été institué en 1942 par le premier khalife de Médina Gounass, Thierno Mouhamadou Saïdou Ba, défunt père de l’actuel khalife de la cité religieuse, Thierno Amadou Tidiane Ba. L’objectif était de faire de Médina Gounass et ses environs une terre empreinte de spiritualité, et du Daaka, un coin d’exaltation de Dieu, une station de vidange de péchés et de purification pour les pèlerins.