Retraite des magistrats : L’Ums réclame l’harmonisation

Les doléances de l’Ums ne changent pas : elle dénonce les attaques contre la Justice, réclame l’indépendance du secteur et veut une harmonisation de l’âge du départ à la retraite des magistrats.Par Alioune Badara CISS –
Après un an de pause, l’Union des magistrats sénégalais (Ums) a tenu ce week-end, une Assemblée générale ordinaire à Saly. Le Bureau exécutif, élu le 7 août 2021, a retrouvé les magistrats en plénière pour présenter un rapport sur ses activités, lors de la cérémonie d’ouverture présidée par Me Malick Sall. Ousmane Chimère Diouf, le président de l’Ums, a peint un tableau très sombre sur les difficultés que la Justice rencontre. Evidemment, l’indépendance de la Justice est revenue comme une rengaine dans tous les discours. «Ce principe fondamental, posé par la Constitution, doit renvoyer à la capacité de la Justice à fonctionner à l’abri de tout parti pris, de toute pression d’où qu’elle vienne et quelle que soit sa forme, et de toute interférence. Pour reprendre Thierry Renoux, «être indépendant, c’est n’avoir rien à craindre ni à désirer de personne»», expose le président de l’Ums.
Par ailleurs, le président de l’Ums a condamné les attaques contre le pouvoir judiciaire. «La Justice a fait l’objet d’attaques à tort ou à raison de citoyens. Si la critique objective, fondée sur une argumentation juridique, est nécessaire pour faire avancer le Droit, il n’en est pas de même d’attaques visant la personne même du magistrat dans l’exercice de ses fonctions, en remettant en cause son intégrité, sa dignité et son honorabilité», expose-t-il. L’Ums condamne «fermement ce genre d’attitudes» aux «antipodes de tous les principes républicains». Il demande à la Chancellerie de faire face à cette situation en invoquant l’article 619 du Code de procédure pénale. «Si la Constitution a créé des droits pour les citoyens qu’ils peuvent légitimement réclamer, ceux-ci sont également assujettis à des obligations à titre de membres de la société. Le respect des institutions de la République prévu et énuméré par la loi fondamentale dans son article 6 doit donc être perçu par tous comme une évidence», poursuit Ousmane Chimère Diouf. Par contre, il admet que certaines personnes ignorent les règles de fonctionnement de la Justice. «Nul ne peut affaiblir la Justice, garante de l’Etat de droit et de l’équilibre de la société, puisqu’elle tient ses pouvoirs directement de la loi et aucun citoyen n’est au-dessus de celle-ci», répète M. Diouf.
Par ailleurs, l’Ums est aussi préoccupée par les conditions de travail «difficiles» des magistrats et le manque de ressources humaines. M. Diouf cite les résultats d’un recensement mené auprès des secrétaires généraux des différentes cours d’appel en révélant qu’un mémorandum a été remis au chef de l’Etat. «Au niveau des ressources humaines, le nombre total de magistrats avoisine 510. En 2017, pour une population de quinze millions d’habitants, les indicateurs étaient constitués d’un nombre de 3,30 et 3,36 magistrats pour 30 266 habitants et un magistrat pour 29 798 habitants. La Direction des services judiciaires avait en son temps élaboré un plan de recrutement annuel de 30 magistrats, qui devait permettre d’aboutir au nombre de 1355 magistrats nécessaires pour une meilleure distribution de la Justice. Ce plan n’a jamais été respecté.» La situation a été rendue plus complexe par la création de nouvelles cours d’appel et de tribunaux de grande instance et d’instance. «Il y a aussi la multiplication des chambres au niveau de la Cour suprême et les nombreux départs à la retraite posant encore une fois le débat sur l’harmonisation de l’âge de la retraite, et les cas de décès», avance le président de l’Ums. Il y a aussi la modicité des budgets dans les juridictions. «Les budgets octroyés aux juridictions ne permettaient pas leur bon fonctionnement. A ce titre, leur élaboration doit émaner à titre principal des chefs de juridiction utilisateurs de ces crédits. Au vu du déficit de matériel constaté dans certaines juridictions, nos investigations nous ont permis de constater que pour le budget de 2022, aucun franc n’a été prévu pour l’équipement et la réhabilitation des juridictions ; ce qui est incompréhensible», explique M. Diouf.
Cette situation explique l’état de délabrement de certaines juridictions comme le Palais de justice de Saint-Louis. «Pour son image, la sécurité des acteurs et des justiciables, la Justice ne doit pas être rendue dans ces conditions, l’autre exemple est le Tgi de Mbour, logé dans une maison conventionnée qui n’obéit donc pas aux normes requises pour abriter une juridiction, et les cas similaires sont nombreux. Notre pays est en retard dans la construction de juridictions, aucune haute juridiction n’a effectivement été construite à l’exception de la Cour des comptes qui a récemment pris possession de ses nouveaux locaux et de la Cour d’appel de Dakar, logée au Palais de justice. Comment un pays comme le Sénégal peut-il ne pas construire une Cour suprême et un Conseil constitutionnel ?», s’est interrogé le président de l’Ums.
Une enveloppe de 250 milliards
Par ailleurs, l’Ums réclame de nouveaux véhicules de fonction pour les chefs de Cour et de Parquets généraux. Pour elle, ceux qu’ils utilisent sont vétustes. «Le bureau a constaté que les chefs de Cour et de Parquets généraux, couvrant deux à trois régions, circulent avec des véhicules de fonction datant de 2005 ou 2008 et ne sont pas bénéficiaires de l’indemnité dite kilométrique créée pour les fonctionnaires de tout bord titulaires du droit de disposer de véhicules de fonction. Il est nécessaire de doter ces magistrats de la haute hiérarchie judiciaire de véhicules dignes de leur rang. Il en est de même des présidents de tribunaux de grande instance, du commerce, du travail, d’instance, des présidents de Chambre d’accusation, des doyens des juges, des procureurs de la République et des délégués des procureurs», plaide Ousmane Chimère Diouf.