Comment parler du Sénégal après les atrocités que nous venons de vivre ? Comment réussir à faire entendre ce qui peut encore être dit sans que sa parole ne soit emportée par cette nuée démoniaque qui plane au-dessus de nous depuis quelque temps, sans que sa parole ne soit absorbée par l’enfer de la banalité, dont l’horreur de certains crimes odieux ont su s’entourer en nous entraînant parfois dans leur silence coupable ?
Ne convient-il pas de consacrer aux phénomènes d’assassinats gratuits et de viols qui jalonnent notre quotidien quelques lignes ?
Loin de nous l’idée de moraliser qui que ce soit, en nous érigeant en donneur de leçons ! Mais plutôt, essayons simplement de comprendre ce qui nous fait vivre ! Et il est avéré que nous ne trouvons qu’une raison à cette interrogation : l’amour, même si ce n’est pas la même sorte d’amour, ni l’amour des mêmes choses. Comme le pensait Freud, le père de la psychanalyse : Eros est premier. Mais quel horrible sacrifice, fait de drames maculés du sang de la honte, accompagne de nos jours notre représentation de cette culture de «Téranga» dont nous nous targuons et dont le soubassement puise loin dans l’ouverture et l’empathie !
Il est manifeste que ce qui se passe au Sénégal depuis quelque temps inspire la peur. Et si nous restons chacun enfermé dans notre petit pré-carré, nous marquons notre infidélité à ce que l’humanité a produit de meilleur : la compassion. C’est à ce niveau que toutes les traditions se rencontrent, convergent pour traduire le mieux l’expression d’une humanité basée sur un amour libéré de l’ego.
Dans le tragique de l’existence que nous vivons, osons poser la question du sens ! Et à cet effet, travailler à se rendre digne d’une vie commune où la violence (si présente de nos jours dans nos espaces) n’aurait plus une raison d’être nous apparaît donc comme un sens possible à conquérir pour l’affirmation de notre humanité.
Le terme de «violence» si commun de nos jours convient-il à notre culture ? Et cet excès qui le caractérise ne peut-il pas être combattu si tant est que le souci de l’intérêt général définit le sens du devoir de l’humain. Par où l’on voit qu’on ne peut faire ici l’économie d’une réflexion sur le «sens». Et comme nous le disions tantôt, ce qui donne sens à nos vies, c’est l’amour.
Et parler d’amour, c’est faire référence à l’autre, parce qu’au-delà de notre ego, de notre Moi tout puissant, il y a un au-delà du Moi qui se trouve chez un autrui. C’est ce qu’enseignent toutes les religions.
Nous devons ainsi opérer une sorte de révolution qui conduise à l’éradication de la violence sous toutes ses formes en sensibilisant notre société sur un certain nombre d’idéaux éthiques, en repensant l’humain. Parce que la barbarie est à nos portes, nous devons refuser cet horrible catalogue. L’actuelle barbarie qui secoue notre société n’a pas été héritée de l’histoire de notre pays. Ce n’est donc pas un trait spécifique attribuable à une «personnalité» sénégalaise, à l’instar de celle inventée par les psychiatres pour qualifier certains monstres de l’histoire.
Aussi, il nous incombe de refuser ces explosions destructrices qui menacent de désenchanter notre univers, et qui ont pour noms : vandalismes, agressions, viols, meurtres, etc. Et dans un contexte où l’idéologie intégriste diffuse encourage, par ses lois «impies» et ses représentants une rébellion contre l’autorité de l’Etat, en Afrique de l’Ouest particulièrement, des appels doivent être invités à corriger notre société et à combattre la tendance dominante à détourner les yeux, plutôt qu’à se complaire dans la situation des serial-killer dont l’excitation invite à faire toujours pis. A moins que nous n’ayons une tendance à la jouissance meurtrière.
Enfin, gardons sans cesse renouvelé l’espoir de retrouver tout ce qui fondait l’harmonie d’un vivre-ensemble, car quand disparaît l’espoir, tout rapport à l’autre s’altère et le recours à l’acte remplace de facto le dialogue !

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