Le 22 juin prochain fera un an que la proposition de loi sur l’instauration du permis à points a été déposée par le député Alioune Souaré. Depuis, les accidents et les morts n’ont pas ralenti. Au contraire. Mais l’Assemblée, qui avait un temps constitué une commission ad hoc, a mis le frein. Pourtant, c’est une vieille exigence du gouvernement qui, malheureusement, en dépit de ses nombreux rappels, peine à matérialiser le principe du retrait des points.

Quand c’est un, deux ou trois morts dans un accident de la route, on ne s’en émeut plus. Quand ce sont des blessés, même graves, ce n’est pas une information. «Recrudescence» n’est point le mot qui sied dans ces drames qui ne nous ont jamais quittés. C’est une série continue. L’instauration du permis à points n’est pas la panacée bien sûr, mais beaucoup s’accordent sur le fait que ce moyen dissuasif peut contribuer, au moins, à la réduction des accidents de la route. Des spécialistes comparent le nombre élevé de victimes de la route à la létalité du Covid-19. «257 morts et 12 mille 379 blessés dus aux accidents de la route entre le 1er janvier à début juin 2021», selon les chiffres de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers. Excès de vitesse, dépassements dangereux, défaut de pneus sont parmi les principales causes. Voilà qui requiert contrôle et sanction, comme le prônait le directeur des Transport terrestres, Cheikh Oumar Gaye. Mais il faudra d’abord revisiter l’arsenal législatif. Un député, Alioune Souaré en l’occurrence, avait lancé le débat avec l’introduction d’une proposition de loi portant instauration du permis à points. Mais vraisemblablement, si l’idée est là, mais la proposition de loi, elle, a pris un coup de frein. Le 22 juin 2020, le député avait déposé la proposition de loi modifiant la loi 2002-30 du 24 décembre 2002 relative au Code de la route et instituant le permis de conduire à points. Et dans son accusé de réception, le 3 juillet 2020, le président de l’Assem­blée nationale avait assuré à l’auteur du texte que «le document sera traité conformément au Règlement intérieur de l’Assemblée nationale».

C’est comme s’il n’est point permis d’en parler
Seulement, en dépit de la multiplication des accidents, les uns plus meurtriers que les autres et surtout pour négligence humaine dans la plupart des cas, le permis à points n’est que sur les lèvres. Il est vrai que la Conférence des présidents a mis en place une commission ad hoc sur les permis à points le 11 février 2021. Mais dans son procès-verbal du 17 février 2021 qu’il a envoyé à Mous­tapha Niasse, cette commission présidée par Aly Lô écrit : «En marge de la réunion, nous avons interrogé notre collègue Seydou Dianko, membre du Syndicat national des transporteurs du Sénégal, pour avoir leurs réactions sur le sujet. La résistance des transporteurs par rapport au projet de la loi initiée par l’Etat repose sur deux points : L’Etat de nos routes généralement très dégradées et mal entretenues. La quasi-inexistence d’un système de radars pour la géolocalisation des véhicules.» Et depuis, plus rien ! Sur les routes, les tragédies «roulent» à vive allure. L’auteur de la proposition de loi est sur toutes les télés et tous studios radios. Il explique «sa» loi, mais ne s’explique pas le retard dans la procédure. Le 25 mai 2021, il relance le président de l’Assem­blée nationale. «Le 22 juin 2021, ma proposition de loi relative à l’instauration du permis à points va faire un an dans le circuit et cette situation me pose énormément des soucis», a d’emblée souligné Alioune Souaré. Il rappelle : «La Constitution consacre le principe de l’initiative des lois et donne exclusivement au président de la République et aux députés le pouvoir d’en faire usage (art 80). L’article 60 du Règlement intérieur relativement aux conditions de dépôt de la proposition de loi exige le droit d’informer l’auteur et fixe des délais pour l’examen de la recevabilité ou non par le Bureau de l’Assemblée nationale et dans l’année à laquelle elle est déposée ou, au plus tard, au cours de la session ordinaire suivante ou d’une session extraordinaire convoquée à cet effet.» Il aura fait toutes les gymnastiques possibles pour convaincre l’Assem­blée de l’opportunité et de l’urgence d’adopter sa proposition de loi. Au point même qu’il soupçonne que c’est une question personnelle ou partisane. «La proposition de loi, au-delà de ma personne, devrait être perçue comme une volonté commune des parlementaires de trouver une solution à la perte des vies humaines et des traumatismes causés par les accidents de la route, mais aussi c’est un élément de bilan à mettre à l’actif de votre Législature», avait ajouté M. Souaré dans sa relance. Le 22 juin prochain, anniversaire du dépôt de cette proposition de loi, se pointe. Le permis à points semble rangé dans les tiroirs.

Un projet de loi à la place d’une proposition ?

Sauf si le gouvernement lui-même a un projet dans ce sens. Certains pensent même que l’Exécutif préférerait être l’initiateur du texte. Après le grave accident, le 20 avril 2021 à Ndiongolor, ayant fait 7 morts et une quarantaine de blessés, il a évoqué la question. «Pour le projet de permis à points, le préalable c’était d’abord un support électronique avec une puce incorporée, ce qui a été fait avec nos nouveaux permis de conduire. L’autre étape consiste à changer la législation en intégrant ce nouveau dispositif de contrôle, surtout le matériel de contrôle, pour ensuite procéder à la concertation avec les acteurs sur le capital de points à mettre pour pouvoir opérationnaliser le permis à points», avait indiqué Cheikh Oumar Gaye. S’agit-il d’un projet de loi en gestation ? Le directeur des Transports, joint par Le Quotidien, n’a pas répondu à cette question. Et pourtant, projet ou proposition de loi, le régime de Macky Sall avait un temps mis le pied sur l’accélérateur. Souvent avec des délais à chaque fois qu’il y a accident.