A Moustapha Diakhaté, Bachir Fofana, Badara Gadiaga et les autres….

Souffrez en silence mais ne vous plaignez jamais ;
Que vos épouses ne se lamentent point : qu’elles ne s’en ouvrent à aucune des femmes du roi ou du prince ;
Pas de grève de la faim simulée, pas de déclaration de maladie imaginaire comme celle de Molière ;
Aucun d’entre nous -vos amis et sympathisants- ne versera théâtralement des larmes de crocodile pour vous déclarer ou vous peindre comme loque humaine à deux doigts de la tombe ;
Ne parlez pas d’empoisonnement, n’appelez personne au secours ;
Vous êtes plus grand que ceux que la prison ou même le simple fait de faire face à un magistrat peut paraître comme l’océan pacifique à boire d’un seul coup.

«Quand la justice se mue en châtiment, la loi verse dans le crime»
Dans une «autocratie éclairée», il apparaît que des cellules isolantes entourées d’une haute muraille aux portes fortifiées -appelées la prison dans tous les pays du monde- est un enfer avec lequel les décideurs essaient d’effrayer, d’intimider ou de museler les contestataires, les esprits libres, les républicains, les démocrates de tous les acabits qui tentent ou qui osent leur apporter la contradiction.
Et en ce moment, ils oublient que cette chose dite prison isole certes le corps physique que l’on arrive à paralyser un moment plus ou moins long mais jamais elle n’arrivera à étouffer l’esprit de vérité, les idées émancipatrices et rédemptrices qui accompagnent ce même corps que l’on cherche -sans succès le plus souvent- à anéantir.
Oui, les grands Hommes (Moustapha, Bachir, Gadiaga et les autres) entrent en prison avec le Peuple tout entier et en ressortent avec ce même Peuple. Autrement, Mandela ne serait pas Mandela, cette icône incroyable et fantastique que le monde entier nous envie. Les esprits supérieurs n’ont nullement peur de la prison ; elle constitue pour eux la rançon à payer dans la grande bataille qu’ils livrent quotidiennement aux fossoyeurs de la démocratie, aux pourfendeurs de la République et aux génocidaires ontologiques de leur Peuple. Car il n’y a de génocide plus grave que de confiner son Peuple dans la misère, dans l’ignorance, dans l’obscurantisme du populisme, dans le machiavélisme de la politique de la peur, des menaces et de la colère sans raison valable.
Moustapha, mon ami du collège de Gossas, Bachir, le Négus de Vélingara, Gadiaga le gelewaar de Mbilly, de Ndia et de Khourou Mbacké (et les autres que je n’oublie en rien) sont aujourd’hui en prison ; ils n’y sont entrés nus : ils y sont habillés par un esprit ; l’esprit du renouveau patriotique et de renaissance citoyenne, l’esprit du respect de la Constitution, des rouages de l’Etat et des ornements de la République. Ils ne vont pas en prison seuls, ils y entrent accompagnés par tous les républicains sincères et pour lesquels ils constituent les porte-parole, les porte-étendards. Ils en ressortiront avec le Peuple quand ce dernier arrivera enfin (et c’est dans un délai très court) à venir à bout de la chienlit (les insulteurs du net, les casseurs et autres gros bras) qui obstrue inopinément le chemin qui mène à l’expression d’une démocratie réelle, une démocratie sans menace, sans baillons, sans violence verbale comme physique, une démocratie citoyenne sans aucune volonté d’effacement de quiconque.
Depuis un certain temps, la prison comme lieu de privation de liberté est faite -quelle que soit l’accusation- pour uniquement des individus que l’on veut punir à tort. On ne contredit point Sa Majesté le roi, on n’explique pas les gamineries de Sa Sainteté. Aujourd’hui, chers compatriotes, il existe pourtant une autre prison largement plus asphyxiante, largement plus écœurante et largement plus dommageable que celle que l’on propose à Badara Gadiaga, à Bachir et à Moustapha.
Cette prison est celle que l’on surnomme «le bagne virtuel» : la liberté n’est pas seulement la faculté de se mouvoir, de donner son opinion et de disposer de sa vie comme bon nous semble. Elle est plus existentielle que cela. Elle épouse l’ensemble des données matérielles et immatérielles qui font de chacun de nous un Homme dans son intégralité, c’est-à-dire un être ayant la possibilité de vivre convenablement, décemment dans sa chair et dans son âme. Les plus optimistes d’entre les Sénégalais pensent que nous sommes au bord de la catastrophe nationale, tant le régime est «génocidaire» pour la majorité de goorgoorlu qui tirent le diable par la queue à longueur de journées pour subsister.
Aujourd’hui, le brave Peuple sénégalais ne se reconnaît plus, il perd de jour en jour ce qui faisait jadis sa fierté, c’est-à-dire son unité, son génie, son sens aigu de l’Etat et de la République, ses vertus de jom, de sutura, de fulla, de solidarité, de teranga et de concorde entre les ethnies. En moins de deux ans, le nouveau pouvoir aura eu raison d’un pays longtemps cité en tête de peloton (démocratie et solidité des institutions) en Afrique. Nous sommes devenus la risée du monde : notre administration est accusée de fraude sur les chiffres, notre magistrature de corrompue et d’inféodée, notre Société civile de déchet animal nauséabond et la presse d’apostat à vite combattre à mort.
Mao est maintenant convoqué, la discipline des peuples bâillonnés est chantée, les dirigeants de l’Aes regardés comme des icônes, Kagame idéalisé : le parti primant sur l’Etat. Même le Président est invité à venir au Bureau politique du parti pour discuter des affaires de l’Etat. Ne pas s’y conformer, c’est manquer d’autorité.
Le Sénégalais lambda craint aujourd’hui pour sa sécurité, pour la sécurité de son pays actuellement pris en otage par des «pouvoiristes» à la démarche quasiment hitlérienne. Il assiste, impuissant, aux fondamentaux de la démocratie, au bâillonnement de la pensée contraire, de la parole libre et mieux, à la crétinisation de ses institutions par un pouvoir trop proche du totalitarisme à la soviétique.
Ainsi, vous conviendrez avec moi que le citoyen non partisan est gravement pris en otage dans une prison virtuelle où il se sent de plus en plus à l’étroit. Cette prison n’a pas de murailles fortifiées mais plutôt des contraintes physiques et morales. Combien sont ces nécessiteux qui se contentent d’un seul repas (bien des fois les maigres restes du déjeuner -communément appelés «photocopies»- servent de dîner aux plus petits de la famille) ? Combien sont ces pères de famille qui n’arrivent plus à assurer l’école à leurs progénitures, le gîte et le couvert à leurs épouses (nos prières vont à ceux qui émargent actuellement dans le lot des trente mille emplois supprimés) ? Combien d’entre nous les impécunieux, ont rendu l’âme pour une simple maladie bénigne face aux soins de santé inaccessibles parce que trop onéreux ? Pouvons-nous compter tous ces paysans qui sont obligés de brader leurs récoltes parce que les rouages de la dernière campagne arachidière auront pâmé ? Pouvons-nous continuer à ignorer loyalement le désarroi de nos artisans, de nos tailleurs, de nos soudeurs qui se sentent enchaînés par l’inactivité chronique ndax xaalis amatul ? Pouvons-nous indéfiniment continuer à supporter la tyrannie et l’impératif de la «marmite à bouillir» alors que le prix des denrées de première nécessité grimpe à tout vent ?
Bref, combien d’entre nous ont perdu leur dignité parce que n’ayant pas les moyens de faire face à leurs charges sociales (fay kuurang, ndox ak luyaas) ?
Messieurs les décideurs, ne pensez-vous pas que ceux qui pataugent dans les eaux saumâtres et contaminées des inondations à Tamba préfèrent de loin un séjour à Rebeus au long calvaire qu’ils endurent depuis actuellement ? Croyez-vous sincèrement que la seule menace d’un emprisonnement peut faire reculer un Peuple, tout un Peuple déjà largement entravé par les vicissitudes de la vie, les difficultés de survie et par les privations suffocantes ?
Moustapha, Bachir, Badara et les autres comme Nguer, sont-ils en prison parce qu’ils en parlent éloquemment ? Ouvrez alors large les portes de ndungsiin, le brave Peuple de mon pays abhorre les menaces et surtout l’injustice : il préfère la mort au déshonneur. N’est pas Badara Alioune Kararaa?
Amadou FALL
IEE à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr