Le format du dernier sommet Afrique-Fran­ce n’a pas du tout été apprécié par certains intellectuels africains. Pour eux, en décidant d’inviter de jeunes africains à la place de ses homologues dirigeants africains, Ma­cron a encore manifesté son dédain à l’égard de ses pairs.Par Dieynaba KANE – 

Les rideaux sont tombés sur le sommet Afrique-France tenu les 7 et 8 octobre à Montpellier. Mais les critiques, elles, ne s’estompent pas. Le Président français, qui a décidé pour ce sommet de changer de format en invitant à la place de ses homologues dirigeants africains des jeunes de la Société civile pour débattre avec eux, n’a pas échappé aux critiques de certains intellectuels du continent. Certains, comme Boubacar Boris Diop, dénoncent le «profond mépris que sous-tend la démarche du Président français». Dans une tribune publiée sur ce sujet, il dit : «On ne le dit pas assez mais ce seigneurial dédain est particulièrement manifeste à l’égard de ses pairs.» Selon l’écrivain, «tout le monde avait en effet cru comprendre qu’un sommet Afrique-France, ce sont les retrouvailles annuelles, en alternance sur les deux continents, d’Etats souverains et amis». Pour lui, «bien évidemment, personne n’a jamais été dupe de cette fiction, mais au moins les apparences étaient-elles sauves». Analy­sant la démarche de Macron, il soutient que ce dernier «vend en quelque sorte la mèche en montrant clairement que c’est bien Paris qui a toujours convoqué ses obligés pour tancer les uns, féliciter les autres, unifier les points de vue sur quelque dossier épineux et, chemin faisant, rappeler au reste du monde son emprise absolue sur les populations de terres lointaines». D’après lui, «le Président Macron ne prend aucun risque avec ce format concocté par quelque discrète officine de la Françafrique». Selon l’écrivain, «ces gens ont accumulé une énorme expérience depuis le temps qu’ils s’activent dans l’ombre à maintenir les Africains dans les fers, veillant même parfois, suprême délicatesse, à ce qu’ils ne leur fassent pas trop mal». Cheikh Tidiane Dièye, qui était l’invité du Grand Jury sur la Rfm, a pour sa part critiqué l’attitude des dirigeants africains. «Ceux qui sont critiquables, ce sont les chefs africains qui n’ont pas eu le courage parce que tout se fait dans les coulisses. Si les chefs d’Etat africains n’avaient pas voulu de ce sommet… On les met dans une posture d’acteurs inutiles. Il y a eu des sommets sous certaines formes puisque la France le voulait avec les chefs d’Etat et à partir où la France n’en voulait pas, les chefs d’Etats africains, quel que soit leur nombre, ne sont plus assez significatifs pour imposer leur volonté à la France», a-t-il fustigé. Et M. Dièye d’ajouter : «On a l’impression que les pays africains sont dirigés par des dirigeants qui n’ont pas de caractère. C’est un manque de dignité parfois parce qu’un chef d’Etat leader d’un pays doit aussi avoir la possibilité de s’imposer, de refuser dans des considérations comme celles-là qu’il soit embarqué par un Pré­sident français qui tend à infantiliser des dirigeants africains.» Les jeunes de la Société civile africaine qui étaient invités à débattre avec le Président français n’ont pas échappé aux critiques même s’ils ont sans filtre interpellé Macron sur le «colonialisme», «l’arrogance» ou le «paternalisme français». Pour Cheikh Tidiane Dièye, ce ne sont pas ces jeunes qu’il faut critiquer mais plutôt les dirigeants africains.
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