Birane Ndiaye est l’un  des quatre chauffeurs arrêtés et kidnappés par les djihadistes le 4 septembre dernier. Il a relaté le film de leur arrestation durant laquelle il a tout perdu. Son véhicule et son permis de conduire sont réduits en cendre. Il a été amené en pleine brousse et retenu pendant plusieurs heures. Il est aujourd’hui sans aucun soutien, laissé à lui-même sans aide ni assistance. Il s’est entretenu avec Le Quotidien.

«Nous allions au Mali chargés de bagages. J’avais une DX480 de 8 roues. Je transportais un conteneur de 45 pieds. C’est à hauteur de Ségala, une localité située au Mali à quelque 80 km de Kayes, que j’ai été braqué par les djihadistes. Quand je suis arrivé, j’ai trouvé un véhicule stationné au bord de la route. J’ai cru dans un premier instant qu’il s’agissait d’un camion en panne. J’ai voulu dévier pour continuer mon chemin quand des coups de feu nourris ont commencé à se faire entendre. Il s’agissait des djihadistes qui tiraient sur mon véhicule. Les balles fusaient de tous bords. Mon pare-brise a été criblé de balles. Ma portière avant droit aussi. D’ailleurs, une balle a transpercé la portière et est passée entre mes jambes. Heureusement que je n’ai pas été touché ni mon apprenti. J’ai garé le véhicule et je suis sommé de descendre. Ils étaient plus d’une dizaine d’hommes, encagoulés et lourdement armés. A peine qu’ils m’ont fait descendre, ils ont mis le feu sur le véhicule. J’observais impuissant. Nous sommes mis de côté : les autres chauffeurs, les apprentis et moi-même. Sous la surveillance des bandits armés.

Aucun mouvement ni aucune tentative n’était possible. On est parqués au sol et on nous a intimés l’ordre de rester tranquilles au péril de notre vie. Les véhicules continuaient de brûler sur le bas-côté de la route.

On nous a conduits en pleine brousse manu militari. A bord de motos. Nous avons obtempéré pour ne pas être exécutés. En pleine brousse, on nous a fait coucher par terre. On a passé la nuit à la belle étoile en pleine brousse. Sous une forte surveillance d’individus armés. Nous y sommes restés jusqu’au lendemain soir, avant d’être raccompagnés jusqu’à la hauteur de la route où l’incident s’était produit, et de repartir dans la brousse. Heureusement qu’il y a le véhicule d’un compatriote sénégalais arrêté en même temps que nous qui est resté garé. Il n’a pas été incendié. C’est à bord que je suis rentré à Thiès.
Après notre arrestation, ils ne nous ont rien fait de spécial. En tout cas, ils nous ont clairement dit qu’ils attendent l’ordre de leurs chefs. S’ils leur demandent de nous libérer, ils le feront. S’ils leur demande de nous exécuter aussi, ce sera sans sourciller. C’est à ce moment qu’on a commencé par perdre espoir. Nous avons tous eu peur et avons ardemment imploré le Ciel.

Soutien de l’Etat ?
Au moment où je vous parle, nous n’avons encore vu ni entendu aucune autorité du pays. Je ne sais pas comment est-ce que nous avons été libérés et par l’entregent de qui. Ce qui demeure aujourd’hui clair, c’est qu’aucune autorité ne nous a soutenus. Même après notre libération, mon apprenti et moi, il a fallu l’aide de l’autre chauffeur sénégalais enlevé en même temps que nous pour pouvoir rentrer. Heureusement pour lui que son véhicule n’a pas été incendié. Il a été arrêté et amené avec nous en brousse. Après la libération, il nous a mis dans son véhicule pour nous ramener jusqu’à Thiès. J’ai perdu mon camion réduit en cendre et mon permis de conduire aussi. Aujourd’hui, je suis sans emploi, sans aide ni accompagnement. Je suis complètement déboussolé, surtout après avoir perdu mon véhicule que j’ai acquis sous prêt. Actuellement, c’est l’ouverture des classes, je peine à trouver les fournitures scolaires pour mes enfants. Les autorités ne nous ont pas assistés.

Retour au Mali ?
Après que j’ai pu échapper à cette attaque, je remercie Dieu de m’en sortir sain et sauf. Je ne compte plus repartir au Mali.»