Le système politique et institutionnel du Sénégal doit être revu. C’est ce qu’a déclaré hier l’ancien recteur de l’Ucad, Kader Boye, à l’ouverture du Forum citoyen organisé par le Think tank Afrikajom Center sur la réforme des institutions et le renforcement de l’Etat de droit. Lors de cette rencontre, le Professeur de Droit a insisté sur la nécessité de mener des réformes pour renforcer la démocratie et instaurer un Etat de droit.

Le système politico-institutionnel sénégalais a plus que jamais besoin d’être reformé. C’est le sentiment du Pr Kader Boye qui prenait part hier au forum citoyen organisé par Afrikajom Center sur «la réforme des institutions, un impératif pour le renforcement de l’Etat de droit». L’ancien recteur de l’Ucad, qui a rappelé le contexte dans lequel le code électoral consensuel de 1992 ayant permis d’avoir deux alternances a été élaboré, a déploré que «les mêmes dérives constatées il y a une trentaine d’années se sont aggravées et que nous sommes dans une situation conjoncturelle à tous égards pleine de dangers, parce que pleine de frustrations». Il en veut pour preuve, le système de parrainage. Selon M. Boye, c’est un système qui «remet en cause les règles d’éligibilité jusque-là en vigueur et dont la réglementation n’est officiellement intervenue qu’en juillet 2018 et dont les modalités d’application n’ont été officialisées qu’au mois d’ao$ut 2018, et en novembre 2018 pour ce qui est de la décision du Conseil constitutionnel portant mise en place d’un dispositif de vérification des parrainages et fixant les modalités de son fonctionnement». D’après l’ancien recteur de l’Ucad, «ce système marque une rupture brutale avec le consensus politique qui était en vigueur depuis 1992».
L’universitaire a aussi par la même occasion dénoncé «les systèmes de pratiques de l’Etat partisan» qui aboutissent «à la concentration de tous les pouvoirs ou presque entre les mains du président de la République». Selon lui, surtout «lorsque ce président a une majorité à l’Assemblée nationale et dans lequel système tous les magistrats sont nommés par le même exécutif». A l’en croire, «c’est un système générateur d’une gouvernance autoritaire et de dérives de toutes sortes, s’il ne connait pas de contre-pouvoir efficace».

«Réduction ou encadrement de certains pouvoirs
du président de la République»
La réforme, d’après l’éminent juriste, doit s’effectuer sur le plan constitutionnel, avec «la réduction ou l’encadrement juridique de certains pouvoirs du président de la République». D’après M. Boye, l’encadrement de ces pouvoirs «est envisageable et possible sans pour autant qu’on aboutisse à l’instauration d’un régime parlemen­taire im­pensable dans notre contexte politico-institutionnel». Pr Boye explique qu’il s’agit «ni plus ni moins que de mettre fin à ce phénomène de président omnipotent, et également de tarir les sources financières qui alimentent le clientélisme politique qui sont sous la maitrise du président de la République». Pour l’ancien enseignant du Droit, il est urgent de déterminer le plafond et les mécanismes de fonctionnement des comptes spéciaux ou caisses noires. Parlant de ce caractère omnipotent lié à la fonction de président de la République dans notre système, M. Boye informe que cette omnipotence «se manifeste aussi sur le contrôle que le président de la République exerce sur le parti dominant et l’Admi­nistration». La solution pour le professeur de Droit, c’est «de revenir à la règle constitutionnelle d’avant 2000 qui interdisait au président de la Républi­que d’exercer toute fonction au sein d’un parti politique». Et aussi, indique-t-il, «dépolitiser complétement l’Admi­nistration en commençant par interdire formellement dans les textes, tout militantisme politique aux fonctionnaires et dirigeants de sociétés publiques». En s’attaquant à ces questions, renseigne-t-il, «on s’attaque à des bases importantes de l’autoritarisme et du népotisme». Autre mesure à prendre c’est «de détacher de la présidence de la République toutes les institutions qui n’y ont pas leur place». Il veut que «les corps de contrôle soient détachés et autonomisés».
Autre point abordé par le professeur Boye, la question de la justice. M. Boye reconnait qu’il y a «un malaise» et «une défiance des citoyens vis-à-vis de cette justice». Estimant que «le sentiment que la justice obéit trop souvent aux injonctions ou attentes du pouvoir exécutif est trop fort», M. Boye soutient qu’on ne peut pas laisser cette situation perdurer. Ce qui lui fait dire qu’il y a «des réformes nécessaires et pressantes et qui devraient porter sur l’organisation du Conseil supérieur de la magistrature, du statut des magistrats et de l’organisation judiciaire».
dkane@lequotidien.sn