En cette veille de fête de l’Aïd El Kabîr, la ville aux-deux-gares frémit dans l’effervescence. Dans tous les coins et recoins, des pères et mères de famille, très nombreux, anxieux, angoissés, se bousculent dans un tohu-bohu indescriptible, à la recherche, presque incertaine, de l’essentiel à mettre entre les mains de Madame et des enfants, pour les besoins de la Tabaski. Par Cheikh CAMARA –

Le marché du mouton, à Thiès, est abondamment approvisionné et les têtes continuent d’être convoyées pour satisfaire les fidèles. Mais les prix sont généralement très élevés par rapport au pouvoir d’achat. Une situation constatée non seulement au niveau des «Daaral», mais aussi dans des marchés de la place (Central, Moussanté, Grand-Thiès, Sam, etc.) où les effets vestimentaires et autres accoutrements ne sont pas du tout à la portée du citoyen lambda. A Thiès, à quelques heures de la Tabaski, la situation est alarmante au niveau du marché du bétail, qui est pourtant très bien approvisionné, bien ravitaillé, même plus que ces dernières années. Mais les moutons sont proposés, par des vendeurs et revendeurs trop gourmands, à des prix exorbitants, exagérés, outranciers, pas à la portée de beaucoup de chefs de famille, variant entre 100 et 200 mille F.

Dans les «Daaral» (foirails) de la région de Thiès, déjà inondés, les troupeaux de moutons continent d’arriver en masse. Badou Ndiaye, un vendeur professionnel, qui travaille dans les opérations de Tabaski depuis 20 ans, ne cache pas ses interrogations : «Cette année, la situation risque d’être difficile car les prix des moutons sont élevés : ils varient entre 95 mille F, pour une très petite tête, et 150 mille F.» Il pense que «l’Etat devrait prendre en main la situation».

Au gigantesque foirail international de Séw-Khaye, considéré comme le plus grand marché du bétail au Sénégal, situé dans la commune de Ngoundiane (département de Thiès), le point de mire de plusieurs milliers de pères de famille, les acheteurs n’en croient pas leurs yeux. Dans ce plus important point de débarquement de moutons en provenance de toute la sous-région, à quelques minutes d’autres célèbres marchés à bétail, Touba-Toul et Khombole, les têtes qui s’observent à perte de vue. Un lieu de prédilection de la vente de bétail lors des grandes fêtes musulmanes qui, comme à l’accoutumée, replonge dans cette traditionnelle routine de veille de Tabaski.

Abondamment approvisionné, le marché bouillonne dans l’effervescence. Seulement, les acheteurs se plaignent, avec des prix loin d’être abordables par rapport au pouvoir d’achat du citoyen lambda. La même situation prévaut presque partout dans le département de Thiès.

Dans la Cité du Rail, c’est la catastrophe. Au niveau des nombreux points de vente, débarquent ces très nombreux fidèles clients, de braves pères et mères de famille à la recherche du beau mouton de Tabaski. Des acheteurs qui se démerdent dans la poussière soulevée par les troupeaux de moutons, mêlée aux excréments, dans le tintamarre des camions débarquant le bétail, complètement dans l’affolement des veilles de fête, en train de faire des pieds et des mains pour arriver à leurs fins. Une masse de clients se faufilant entre des milliers de bêtes venus de la Mauritanie, du Mali et de l’intérieur du pays, des clients qui disent trouver de la peine à «se procurer le mouton convenable à portée de bourse». Sur les lieux, ils vivent la crainte de rentrer bredouilles.

Pomme de terre, oignon, effets vestimentaires…
Face à des vendeurs qui auraient une pierre à la place du cœur, Absa Guèye, en compagnie de sa sœur, Binette, reste sidérée par les prix proposés dans les marchés de Thiès. Comme elle, nombre d’acheteurs, complètement dans l’affolement des veilles de fête, ne tiennent plus place, tournant en rond toute la journée, à travers les rues, au niveau des marchés, et n’arrêtent pas de fulminer. Trouvée dans un magasin d’effets vestimentaires, Ndèye Touty râle dès qu’on avance un chiffre, par rapport au prêt à porter. «On assiste à une véritable inflation des prix», gémit son époux, Tapha Guèye. Toutefois, ils constatent que «le marché est inondé de jolis tissus, conformes aux modes du temps et à des prix très abordables».

Au niveau des marchés Central, Moussanté, Grand-Thiès, Sam, etc., le constat reste unanime : «Pour ce qui concerne plusieurs autres produits, comme les chaussures, les prix sont généralement très élevés par rapport au pouvoir d’achat des clients.» Fatou Fall, accompagnée de ses deux filles, ajoute : «Les effets vestimentaires prêts à porter et autres accoutrements ne sont pas du tout à la portée du citoyen lambda. On assiste à une montée en flèche des coûts.» Et c’est ici, l’occasion, pour ce père de famille au quartier Hersent, Badou Ndiaye, d’interpeller «les pouvoirs publics sur la maîtrise nécessaire du coût de la vie, par une fixation de prix plafonds pour des fêtes comme la Tabaski». Une sollicitation d’autant plus pressante qu’à Thiès, toutes les couches de la population se plaignent de la cherté des prix à la consommation. Avec, en plus, fait remarquer la ménagère Daba Sylla, au quartier Diamaguène, «ces produits contrefaits écoulés sur le marché avec les mêmes prix homologués».

Ce père de famille, Ass Faye, qui, quand même, espère passer une bonne fête de Tabaski avec sa famille, se désole du «contexte actuel qui s’avère difficile pour l’écrasante majorité des chefs de famille dans la ville aux-deux-gares». Il se dit affligé de constater que dans la ville de Thiès, avec la crise, même si ce n’est pas la Tabaski, «beaucoup de familles sont fatiguées, il n’y a pas d’argent». Son ami Galaye Sow considère que «la situation est d’autant plus affligeante qu’en réalité, on peut constater que dans les quartiers populaires en particulier, les Thiessois vivent des difficultés au quotidien». Au bord du gouffre, cette mère de famille, Adja Faye, désorientée, ne sachant plus où donner de la tête, se demande : «Où est l’argent ?»

Pour l’oignon et la pomme de terre, les bonnes ménagères assistent à une véritable inflation des prix : 700 F le kg de pomme de terre à présent, 450 F pour l’oignon qui était proposé à 250 F il y a seulement trois jours de cela. Toutefois, le marché est très bien, même excessivement, approvisionné en ces denrées de première nécessité.
Correspondant