#Thiés – Après les manifestations violentes des jeunes : Fass Boye, le calme après la tempête

En colère, les jeunes du village traditionnel de pêcheurs de Fass Boye, situé dans le département de Tivaouane, ont brûlé mercredi des pneus, saccagé des édifices publics. Une manière d’exprimer violemment leur désarroi, après que la pirogue disparue en mer depuis le 10 juillet dernier a été finalement retrouvée au large du Cap-Vert sans l’essentiel de ses occupants, décédés, plongeant la localité dans la tristesse et la consternation.Par Cheikh CAMARA –
Le phénomène de l’émigration irrégulière a pris des proportions inquiétantes au village traditionnel de pêcheurs de Fass Boye, dans la commune de Darou Khoudouss, département de Tivaouane, où les jeunes, tentés par le mirage d’une vie en rose en Europe, n’hésitent guère à affronter la haute mer, avec des pirogues artisanales. Un mal qui se traduit souvent par des morts et des disparitions. C’est depuis le 10 juillet dernier que cette localité vit dans le désarroi total, suite à la disparition en mer d’une pirogue remplie de candidats à l’émigration clandestine, avec à bord environ 150 aventuriers dont des enfants. Après un mois de recherches vaines, la pirogue a été finalement retrouvée ce lundi au large des côtes capverdiennes. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (Oim), «plus de 60 migrants sont présumés avoir perdu la vie à bord, les survivants étant au nombre de 38 dont quatre enfants de douze à seize ans».
La nouvelle a plongé Fass Boye dans la tristesse et la consternation, mais aussi engendré la colère. Et les jeunes, armés de pierres et de gourdins, ont pris d’assaut mercredi la rue, pour exprimer violemment leur colère. Ils accusent l’Etat de n’avoir pas déployé dès le début tous les moyens requis pour aller à la recherche de ces candidats à l’émigration. C’est ainsi qu’ils ont brûlé des pneus un peu partout dans la ville, en saccageant des édifices publics sur leur passage. Dans ce sillage, ils ont saccagé le Service des pêches avec des dégâts estimés à plusieurs millions de F Cfa, le domicile de l’ancien adjoint au maire de Darou Khoudouss, Moda Samb, et son périmètre maraîcher totalement détruit, celui du Président du Ccomité local de la pêche artisanale. Ils ont aussi attaqué le Cem, le marché, le magasin de stockage, etc. Le bureau de la Délégation pour l’entreprenariat rapide (Der) et le site de transformation de produits halieutiques, récemment inauguré, seront aussi visités. Des jeunes manifestants en furie qui en veulent aux autorités et reprochent à l’Etat «un manque de célérité dans l’organisation des secours», d’avoir «tardé dans l’organisation des recherches après la disparition depuis le 10 juillet dernier de cette pirogue de fortune».
Fass Boye, qui continue de pleurer ses disparus, dénonce «l’indifférence des autorités étatique» alors que les populations avaient, disent-elles, orienté les recherches vers le Cap-Vert. Selon le président du Collectif des familles éplorées, Moda Samb, «ce qui est le plus choquant dans cette affaire, c’est la passivité du gouvernement sénégalais qui n’avait pas cru les populations qui avaient orienté les recherches vers le Cap-Vert et la Mauritanie, préférant se focaliser vers le Maroc et l’Espagne». Aussi le drame de l’émigration de finir par déboucher sur de violentes manifestations.
Il a fallu l’intervention des gendarmes de Mboro et de Tivaouane, à bord d’une quinzaine de pickups, pour ramener le calme après d’intenses accrochages. Les manifestants seront dispersés par les Forces de défense et de sécurité à coups de grenades lacrymogènes. Il y a eu une dizaine d’arrestations et une centaine d’individus identifiés. Selon Arona Thioune, premier adjoint au maire de Darou Khoudouss, c’est avec beaucoup de tristesse et de désolation que la nouvelle a été apprise dans la commune, qui a ainsi perdu plusieurs de ses fils dans cette tragédie. Selon lui, ce sont des moments difficiles, mais il faut que les uns et les autres fassent preuve de retenue, le mal étant déjà fait. «Manifester violemment, saccager des édifices publics et des biens d’autrui ne font qu’empirer inutilement la situation», a-t-il noté. Il souligne que malgré le temps qui s’est écoulé depuis le 10 juillet dernier, les familles gardaient l’espoir de retrouver tôt ou tard les leurs. Il a encore appelé toute la population à la retenue, en lui demandant également de refuser d’agir sous le coup de la colère et de l’émotion. Mais pour lui, l’Etat doit également tout faire pour rapatrier dans les meilleurs délais les corps retrouvés, afin de permettre aux familles de faire leur deuil, ce qui serait de nature à apaiser la douleur. La cité traditionnelle de pêcheurs de Fass Boye, un petit port de pêche, serait-elle le village martyr des candidats à l’émigration irrégulière ?
Correspondant