Au Sénégal, la recrudescence des cas de Violences basées sur le genre, particulièrement les violences domestiques, le viol, l’inceste et la pédophilie, inquiète de plus en plus les populations, les parents, les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs qui militent pour la promotion des droits humains. Ce constat alarmant a été fait par une trentaine de magistrats, avocats, officiers de Police judiciaire (police et gendarmerie) de la région de Thiès, en conclave dans la Cité du Rail, du 26 au 27 mai 2025, lors d’une session de formation des acteurs judiciaires sur la prise en charge des Vbg, ouverte aux autres Forces de défense et de sécurité.Par Cheikh CAMARA – 

En dépit du durcissement des mesures pénales, les Violences basées sur le genre (Vbg) font partie du quotidien des femmes. Une trentaine de magistrats, avocats, officiers de Police judiciaire (police et gendarmerie) de la région de Thiès étaient en conclave dans la Cité du Rail, du 26 au 27 mai 2025, pour une session de formation des acteurs judiciaires sur la prise en charge de cette problématique. Cette rencontre avait pour objectif de doter les concernés de capacités, comportements, attitudes et pratiques qui favorisent une prévention des Vbg et une prise en charge adéquate des victimes, aussi bien en période de paix que dans les situations de conflit ou post-conflit. En effet, renseignent les acteurs, «l’enquête nationale de référence sur les Violences basées sur le genre, réalisée en 2024, révèle que 32% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi une forme de violence, 87, 7% à 89% ont subi un acte de violence au cours de leur vie. Cette violence reste encore très marquée au niveau conjugal avec 70, 2% de prévalence de Vbg depuis la première union. Ces violences sont principalement psychologiques et physiques, avec respectivement 78, 4% et 72, 8% de femmes qui déclarent en avoir été victimes au cours de leur vie».

Ces Vbg, remarque la Commissaire de police Binetou Guissé, Conseillère technique administration-genre de la Direction générale de la Police nationale, se retrouvent au-delà des ménages, dans les milieux professionnels et les milieux de formation et d’études tels que les établissements d’enseignement, qu’ils soient privés ou publics, et concernent différentes formes de violences. Devant cette situation qui interpelle toutes les catégories d’acteurs (décideurs communautaires, les partenaires techniques et financiers, les familles, etc.), «le rôle de l’Etat, au regard de ses responsabilités dans le respect, la protection et la mise en œuvre des droits de la personne humaine, est fondamental», souligne Commissaire Guissé, Point focal genre de la police.

Et c’est dans ce cadre que s’inscrit l’élaboration par le Sénégal, en partenariat avec certaines agences du Système des Nations unies, dans le sillage de la mise en œuvre du 4ème Programme des Nations unies pour l’assistance au développement (Pnuad), d’un Programme conjoint de lutte contre les Violences basées sur le genre, assorti d’un plan d’actions national multisectoriel pour la prévention et la prise en charge des Violences basées sur le genre, la promotion et la protection effective des droits humains. Dans sa partie opérationnelle, à travers son résultat 2, «les acteurs de la chaîne pénale, des bureaux d’écoute des maisons de Justice, les parlementaires et autres acteurs institutionnels sont formés et sensibilisés sur les questions relatives aux Vbg». Ce plan d’actions prévoit la formation des acteurs judiciaires sur la prise en charge des Vbg. Le Projet d’appui à la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (Pasneeg), à travers son volet 2, «Appui à l’opérationnalisation de la stratégie de lutte contre les discriminations envers les femmes et les violences basées sur le genre», s’inscrit dans la mise en œuvre du plan d’actions national multisectoriel pour la prévention et la prise en charge des violences basées sur le genre, la promotion et la protection effective des droits de la femme et de la fille, ainsi que l’inclusion sociale des catégories vulnérables. C’est dans ce cadre que s’inscrit le renforcement des capacités des acteurs judiciaires sur le traitement des Violences basées sur le genre en droite ligne du résultat 2. «L’offre de services de prise en charge intégrés et holistiques des victimes de Vbg est renforcée.» Cette activité, selon Commissaire Binetou Guissé, vise à aider les acteurs concernés à formuler des réponses adéquates et exhaustives aux besoins des victimes/survivantes et à développer, en relation avec les autres mécanismes institutionnels, une approche coordonnée et concertée.

Durcissement des peines
En effet, dit-elle, le traitement des cas de Violences basées sur le genre par les acteurs de la chaîne de prise en charge (auxiliaires de Police judiciaire, magistrats, sages-femmes, médecins, etc.) peut se révéler comme un facteur limitant la jouissance des droits des victimes/survivantes de Vbg. Aussi de rappeler que le Pasneeg, en tant qu’instrument de renforcement des efforts du gouvernement dans la réalisation de l’équité et de l’égalité de genre, a enregistré des résultats satisfaisants dans sa phase 1, notamment dans la systématisation du budget sensible au genre, les initiatives de réformes juridiques favorables à l’équité et à l’égalité de genre, la lutte contre toutes les formes de Violences basées sur le genre et la protection sociale des femmes et des jeunes filles vulnérables.

Pour consolider et renforcer ces acquis, le gouvernement italien s’est engagé pour le financement d’une seconde phase (Pasneeg II) dont l’objectif général est de contribuer à l’atteinte de l’Objectif de développement durable n°5 (Odd 5) à travers la réduction des inégalités de genre au Sénégal conformément aux orientations stratégiques des politiques nationales, notamment le Plan Sénégal émergent (Pse) et la Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (Sneeg). Le projet, plus spécifiquement, vise à : «promouvoir et protéger les droits des femmes et des filles au Sénégal à tous les niveaux (institutionnel, juridique, judiciaire, législatif, économique, social, etc.)», «promouvoir l’adoption par les communautés d’attitudes, de comportements et pratiques favorables à la non-discrimination, à la lutte contre les inégalités de genre et à la sauvegarde de l’intégrité physique et psychologique des femmes et des filles».
Dans cette perspective, le Pasneeg 2 accorde une place importante au renforcement de capacités en matière de protection des droits humains et de leadership des acteurs, notamment les acteurs de Police judiciaire, en vue de l’approfondissement de leurs connaissances en droits des femmes et des enfants (filles et garçons). Ce renforcement inclut le développement des comportements, attitudes et pratiques d’interrogatoires qui favorisent la confidentialité des auditions, la dignité des personnes entendues, en vue d’une lutte efficace contre toutes formes de Violences basées sur le genre, aussi bien en période de paix que dans les situations de conflit.

Pour rappel, le Sénégal, notamment à travers l’adoption de la loi 2020-05 du 10 janvier 2020 modifiant la loi 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal et criminalisant les actes de viol et de pédophilie, s’est engagé dans la mise en œuvre de divers instruments internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l’Homme (Dudh), la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedef), la Convention des droits de l’enfant (Cde), le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo). En s’inscrivant dans cette dynamique, l’Etat met en œuvre, entre autres, sa volonté de promouvoir la non-discrimination et particulièrement la protection de l’intégrité physique et morale des hommes et des femmes de tout âge et de toutes conditions.
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