Par Justin GOMIS – justin@lequotidien.sn
– Les avocats de Hissein Habré ont déposé sur la table du juge d’application des peines une requête pour une autorisation de sortie d’une durée de 6 mois, pour raisons de santé. Alioune Tine, qui a été un militant actif pour qu’il soit jugé, ne s’oppose pas à cette éventualité. «Je suis favorable à la demande de permission pour la sortie de Hissein Habré», déclare Alioune Tine, joint hier par téléphone. Le défenseur des droits de l’Homme, qui reconnaît même être en première ligne pour la traduction de l’ancien Président du Tchad devant les juridictions internationales en vue de répondre des crimes commis dans son pays entre 1982 et 1990, aurait-il retourné sa veste ? «Non», dit-il en précisant sa pensée. «Je suis favorable pour les raisons que voici. J’ai été sensibilisé par Thierno Madani Tall en ce sens. Mais il faut dire que pour la première raison, je suis favorable. Hissein Habré a aujourd’hui 78 ans. Il est malade et vulnérable. Et cause de cette vulnérabilité, pour une maladie comme le coronavirus, il doit être protégé. Je pense qu’on peut lui accorder la permission de sortie. Pour moi, lui accorder une permission ne veut pas dire le libérer. Ce n’est pas une question d’impunité, c’est pour protéger la vie de Hissein Habré», dit-il. Avant de préciser : «Je n’ai jamais changé de position quant à l’autorisation. Je pense que quand on est vulnérable, on doit être protégé, surtout contre une maladie comme le Covid-19. D’ailleurs il y a une décision des Nations unies qui demande de protéger des personnes vulnérables. Son état de santé n’est pas compatible avec le séjour carcéral», ajoute le président du think tank Africa jom center. D’après lui, «Hissein Habré n’est pas encore vacciné contre le Covid-19». Alioune Tine renchérit : «Que Habré soit condamné ne veut pas dire qu’il n’a aucun droit. Aujourd’hui, il y a dans beaucoup de prisons des prisonniers à qui on accorde une liberté en leur mettant un bracelet au pied.»
Par ailleurs, il faut convaincre les associations des victimes de Habré de l’urgence humanitaire qui justifierait la sortie de prison même provisoire de l’ancien Président. Alors qu’elles courent après les indemnités accordées par les Chambres africaines. «Une décision a été prise par les Chambres africaines extraordinaires qui ont jugé cette affaire et accordé des indemnités aux victimes. Cette décision doit être appliquée», martèle-t-il en interpellant Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, Macky Sall et Idriss Deby, Président du Tchad afin que les dommages et intérêts soient payés aux victimes. Le président d’Africa jom center révèle avoir discuté avec Abdourahmane Guèye, victime du régime de Habré. «Et il est en train de vieillir. Il faut indemniser les victimes de leur vivant. Il ne faut pas attendre qu’elles ne soient plus là pour les indemniser», suggère-t-il aux autorités.
Hissein Habré a été condamné le 30 mai 2016 à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, notamment pour des faits de violences sexuelles et viol, par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. La Chambre d’appel a confirmé la condamnation de Habré en avril 2017, et octroyé 82 milliards de francs Cfa à 7 396 victimes identifiées. Elle a mandaté un Fonds fiduciaire de l’Union africaine pour lever de l’argent en recherchant les avoirs de Habré et en sollicitant des contributions volontaires. Bien que l’Union africaine (Ua) ait adopté le Statut du Fonds fiduciaire en 2017 et alloué 5 millions de dollars au Fonds, celui-ci n’est toujours pas opérationnel et agace les bénéficiaires, las de patienter.